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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin.


Le danger que courait la Chambre des députés, après les élections dernières, était de n’avoir pas de majorité. Il est encore loin d’être écarté. Une Chambre nouvelle commence par élire son bureau : c’est pour les partis une occasion de se mettre en ligne et de se compter. La première bataille roule sur le choix du président. Nous disions déjà, il y a quinze jours, qu’elle se livrerait sur deux noms seulement, celui de M. Henri Brisson et celui de M. Paul Deschanel. Le premier avait derrière lui tous les radicaux et les socialistes ; le second, tous les républicains modérés, — ils s’appellent aujourd’hui progressistes, — les ralliés, et la droite. On voit donc qu’aucun des deux partis n’était pur de tout alliage, ou, si l’on veut, n’était bien homogène. L’un et l’autre se disaient sûrs de la victoire, quoique ni l’un ni l’autre ne le fût, et en vérité il n’y avait pas lieu de l’être. Dès le premier scrutin, en effet, M. Deschanel l’a emporté sur M. Brisson d’une seule voix. On a fait remarquer à ce sujet que la République avait été fondée à une voix de majorité, ce qui ne l’avait pas empêchée de vivre ; on a rappelé qu’en 1888, M. Méline avait été élu président contre M. Clemenceau au simple bénéfice de l’âge, car ils avaient eu tous deux le même nombre de suffrages. Il n’en est pas moins certain qu’une voix est peu de chose, et que, si elle suffit pour élire un président, on ne trouve en elle ni une indication bien claire sur la volonté de la Chambre, ni une base bien large pour y appuyer un gouvernement. De plus, la voix attribuée à M. Deschanel a été contestée, et il a fallu recommencer l’épreuve. Gardons-nous de le regretter : c’est surtout à la récidive que le vote a pris de l’importance. On pouvait croire qu’à la première fois il y avait eu quelque erreur et que, si la Chambre en avait l’occasion, elle la réparerait. Tel était bien l’espoir des radicaux : il ne s’est pas réalisé. À la seconde épreuve, M. Deschanel a eu quatre voix de plus que M. Brisson, majorité très faible encore, mais à laquelle la répétition du vote donnait un caractère plus affirmatif. On devait en conclure que les radicaux s’en