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pain. — Autre nouvelle du même pays : Le curé a défendu de boire pendant la messe ; tous les cabarets à cette heure doivent être fermés. Le maire y tient la main. L’autre jour, mon ami Bourdon, honnête cabaretier, s’avise de donner à déjeuner à son beau-frère : or, c’était un dimanche et on disait la messe ; le maire arrive, les voit et les met à l’amende qu’ils ont très bien payée. Mais voici bien pis. Le curé a défendu aux vignerons qui voulaient célébrer la fête de Saint-Vincent, leur patron, d’aller ce jour-là au cabaret, etc., etc. » Ces sornettes et d’autres analogues, dûment envenimées et congrûment enfiellées, seront la matière de la Pétition aux deux Chambres ou de la Pétition pour les villageois que l’on empêche de danser. Le Simple discours de Paul-Louis a une autre origine : il était question d’ouvrir une souscription afin d’offrir au duc de Bordeaux le château de Chambord. Courier saisit cette occasion pour faire l’éloge de la bande noire et exprimer quelques opinions et vues historiques, notamment sur la Cour de Louis XIV : « C’est quelque chose de merveilleux ; par exemple, leur façon de vivre avec les femmes… Je ne sais trop comment vous dire. On se prenait, on se quittait ; ou, se convenant, on s’arrangeait. Les femmes n’étaient pas toutes communes à tous ; ils ne vivaient pas pêle-mêle. Chacun avait la sienne, et même ils se mariaient… Il y avait du moins quelque espèce de communauté, nonobstant les mariages et autres arrangemens. » Ailleurs il s’explique sur les origines de la noblesse : « Sachez qu’il n’y a pas en France une seule famille noble, mais je dis noble de race et d’antique origine, qui ne doive sa fortune aux femmes : vous m’entendez. » Ailleurs c’est sur la moralité des couvens : « Nous n’avons plus de couvens, détestable sottise qui se pratiquait jadis, de tenir ensemble enfermés, contre tout ordre de nature, des mâles sans femelles et des femelles sans mâles, dans l’oisiveté du cloître où fermentait une corruption qui, se répandant au dehors, de proche en proche, infectait tout. » Ces beaux traits sont semés à profusion. Je sais bien que le rôle que joue ici Courier est un rôle, et que l’attitude du bonhomme Paul-Louis est plus déplaisante encore, parce qu’elle est une attitude de faux bonhomme où tout sonne faux. Courier n’est ni du peuple, puisqu’il est un bourgeois, ni paysan, puisqu’il est un lettré, candidat à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et furieux, d’y avoir échoué, ni compatissant aux misères du pauvre, puisqu’il fut au contraire un maître exigeant et dur, ni vigneron, ni Tourangeau, puisqu’il est de Paris. Mais il n’importe, et il suffit que, pour jouer son personnage il ait cru devoir faire étalage de vulgarité, de mauvaise humeur, de manie chicaneuse et d’envie.