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et des adultes ; en 1895, l’éducation civique et sociale ; en 1896, les œuvres d’enseignement destinées à compléter l’école ; et il a réuni ces divers discours dans un petit livre de propagande : l’Éducation de la Démocratie française. Nombreux sont les instituteurs qui l’entendent, plus nombreux encore ceux qui le lisent ; il célébrait à Rouen, en 1896, les 18 500 instituteurs que la Ligue enrôle sous son drapeau ; en est-il beaucoup, parmi eux, qui marchanderaient leur dévouement à la politique de M. Bourgeois ?

M. Spuller, ministre de l’Instruction publique en 1887, supposant à la création d’une « Union nationale des instituteurs de France », justifiait ainsi sa prohibition : « A côté de la pensée des instituteurs, qui ne m’est pas suspecte, apparaît une autre pensée, celle des hommes politiques qui se groupent autour d’eux et inévitablement se mêlent à eux. Comment un parti quelconque résisterait-il à la tentation de mettre dans ses intérêts et de placer de façon ou d’autre sous sa dépendance un corps aussi considérable que le personnel de l’enseignement primaire à tous les degrés ? » Et M. Spuller continuait : « Permettra-t-on aux instituteurs publics laïques de se donner des chefs en dehors de leurs chefs naturels ? Ils seront les premiers à répondre que ce serait là reconstituer sous une autre forme l’organisation des associations religieuses enseignantes, au moment même où la loi déclare cette organisation incompatible avec l’exercice de la fonction d’instituteurs publics. » Ces sages avertissemens avaient la valeur d’un pressentiment ; on les pourrait répéter en partie, à propos de la Ligue dont M. Bourgeois est le président, et M. Buisson l’un des vice-présidens. Serait-il exagéré de dire qu’en face de ces puissantes influences, les deux universitaires qui ont mission de diriger notre enseignement primaire, M. Rambaud et M. Bayet, ont été comme oubliés ? Un mois encore avant les élections, le 3 avril, M. Buisson parlait à Lyon sur les patronages laïques, sous la présidence de M. Bourgeois ; et M. Bourgeois, sous les auspices du groupe « le Denier de Ecole », prononçait un grand discours dans lequel il reprochait vivement au cabinet Méline l’abandon des principes républicains. A moins que les instituteurs ne voulussent être des sourds, ils étaient contraints d’entendre et de conclure. Et comment seraient-ils des sourds, lorsque c’est M. Bourgeois qui parle ? Par sa philosophie franchement positiviste, par sa notion de la solidarité, qui affecte une allure quasi scientifique, il a su les attirer et les captiver ; ils trouvent, dans les propos de M.