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pois coûte 15 francs en Orléanais et 26 francs en Dauphiné, 12 francs en Languedoc et 39 francs en Flandre. Mais on distingue, sous l’effacement des moyennes qui font disparaître les saillies exceptionnelles, une heureuse discordance entre la valeur des légumes et celle des grains : au temps d’Henri III, tandis que le blé se vend 20 francs l’hectolitre, les pois, meilleur marché d’un cinquième, valent 16 francs ; cent ans avant, sous Charles VIII, le blé étant à 4 francs, les pois, plus chers de moitié, étaient à 6 francs.

Les pois et les fèves sont une des rares marchandises ayant à la fois baissé de prix et diminué en quantité. Il est vraisemblable que la part réservée aux légumes secs, dans la superficie cultivée du moyen âge, était très supérieure à celle qui leur est présentement réservée, et que la production dépassait par conséquent beaucoup les 4 millions d’hectolitres que nous en recueillons annuellement. Leur consommation s’est restreinte, dans une proportion énorme, pour se disperser sur d’autres farineux indigènes ou exotiques, comme le riz ; pour se porter surtout vers celle de la pomme de terre, dont la France récolte maintenant plus de 100 millions d’hectolitres.

Un autre comestible, dont l’importance est moitié moindre dans le budget populaire, l’huile à manger, a aussi changé de nature. On se procure en 1898 pour 2 fr. 40 un kilo d’huile d’olive de bonne qualité ; mais pour 1 fr. 90, on a de l’huile d’œillette et, pour 1 fr. 40 le kilo, on a de l’ « huile blanche ». Ce sont ces deux dernières, dont la saveur n’est nullement désagréable, qu’emploient la grande majorité de nos compatriotes. L’olive du reste n’entrait que pour partie dans l’approvisionnement du moyen âge ; l’œillette ne fut connue qu’au XVIe siècle, mais les huiles de pavot, de navette, de noix surtout, dont on usait, ne valaient certes pas mieux que l’huile commune, issue du coton, que nos épiciers détaillent pour 1 fr. 40.

Ce dernier prix, la moyenne des huiles à manger d’autrefois l’atteint parfois intrinsèquement, et traduite en francs modernes, d’après la valeur relative de l’argent, elle l’excédait fort. Il est juste d’ajouter que dans le Midi, où la consommation de l’huile était plus grande, elle s’offrait aussi à un taux plus avantageux que dans le Centre et le Nord, où son usage se trouvait plus restreint. Mais, tout compensé, les huiles anciennes revenaient à un tiers de plus que nos huiles d’olive et au double des huiles dont