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M. Decazes. Mais les nouveaux ministres craignent que mon séjour en France ne rende leur position difficile et le Roi me demande de partir immédiatement. Il est impossible que tu viennes avec moi. Tu resteras avec ton père et je reviendrai te chercher.

« Je me mis à pleurer, disant que je ne consentirais jamais à me séparer de lui, et je finis par obtenir la permission d’en parler à mon père, qui consentit à me laisser partir et même à nous accompagner jusqu’à Berlin. M. Decazes accepta cet arrangement. Nous devions nous mettre en route trois jours après.

« Le même soir, nous recevions. La soirée finit au moment où mon mari sortit pour aller chez le Roi. La maréchale Gouvion-Saint-Cyr resta seule avec moi. Elle attendait évidemment le retour de M. Decazes pour savoir ce qui avait été décidé. A minuit, celui-ci ne revenant pas, elle se retira. Avant de sortir, elle m’embrassa à plusieurs reprises, en disant :

« — Pauvre, pauvre enfant !

« J’eus grand’peine à retenir mes larmes. Quand M. Decazes rentra, j’étais couchée ; mais je ne dormais pas. Il me dit que rien n’était décidé, mais qu’il paraissait que ce serait lui qui resterait. Ce fut effectivement ainsi que se termina la crise ministérielle. »


ERNEST DAUDET.