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Français applaudissait à sa vigoureuse initiative ; de l’injustice, parce que incriminer « les opérations « de cet illustre soldat, c’était méconnaître ce que lui devait déjà la reconstitution militaire de la France. En l’accusant, Richelieu avait cependant une excuse. Les observations qu’il présentait à Decazes s’inspiraient de celles qu’en arrivant à Aix-la-Chapelle, l’empereur Alexandre lui avait présentées à lui-même. Dès leur première entrevue, il s’était alarmé en entendant ce prince exprimer le regret que le gouvernement du Roi, malgré la sagesse et la prudence de sa conduite, eût en France si peu de partisans et ne fût pas parvenu « à rallier cette partie de la nation, qui par son activité, ses lumières, sa force morale, est seule appelée à influer sur les destinées du peuple. »

« Il n’est que trop vrai, ajoutait l’Empereur, que les militaires et employés civils qui ont servi sous Bonaparte regrettent le passé et sont disposés à réunir leurs efforts pour renverser ce qui existe. »

Il en tirait cette conclusion que le gouvernement du Roi devait se rendre très fort pour résister aux entreprises révolutionnaires ; que la Garde royale était un des élémens de sa force, et qu’en conséquence, les réformes introduites dans son organisation par le maréchal Gouvion-Saint-Cyr, en vue de l’affaiblir, ne laissaient pas d’être imprudentes et fâcheuses. Attendant tout, au Congrès, de la bienveillance de l’Empereur, Richelieu était donc excusable de raisonner comme lui, bien qu’il se fût efforcé, dans leur entretien, de rétorquer son argumentation. « Vous verrez par ma dernière lettre au Roi, disait-il encore à Decazes, par celle que j’écris à Lainé, que je ne suis pas sur des roses. Les dispositions où j’ai trouvé l’Empereur m’ont fait une peine que je ne puis vous rendre. Vous sentez l’importance qu’elles ne percent pas. »

On peut voir à ces traits en quoi consistait la dissidence si grave qui s’était glissée peu à peu parmi les ministres. Richelieu persistait à se défier de la vieille armée et, bien qu’il n’entendît pas « qu’on fît une Saint-Barthélémy de généraux », il considérait << qu’elle ne se royalisait pas assez vite », que le souvenir de l’Empereur y demeurait trop vivant, qu’on ne pouvait encore compter sur elle pour défendre la monarchie et qu’en conséquence, il importait d’organiser fortement un corps d’élite, où chefs et soldats fussent animés de l’esprit royaliste. Tout autre, l’opinion de