à des héritages qu’ils négligent d’employer à féconder leur activité ; et certes, ces indignes favoris du sort sont mal venus à reprocher aux gueux une oisiveté dont ils leur donnent le scandaleux exemple. Seuls les hommes, très nombreux heureusement, qui, ayant accepté la loi naturelle du travail pour vivre, se sont enrichis par des efforts personnels, sont en droit de flétrir et d’éconduire les oisifs sans excuses. Encore ont-ils à descendre au fond de leur propre conscience, à se demander s’ils ne sont pas laborieux et égoïstes tout ensemble, s’ils se préoccupent suffisamment de la subsistance des malheureux dont la faiblesse, l’âge ou la maladie stérilisent la bonne volonté, si même ils ne consultent que la justice et la sympathie dans leurs relations avec les hommes utiles qui les secondent.
Les vices de notre société, de toute société actuelle, loyalement reconnus, et la part faite largement à leurs conséquences, s’ensuit-il de là que nous soyons en demeure de déclarer préférable à l’état social la rupture de tous les liens qui forment les groupemens nationaux et les relations internationales, pour rendre à l’individu son entière indépendance ? Qu’en ferait-il ? Pourrait-il se passer du concours d’autrui ? Et pourrait-il s’adjoindre des aides sans, par cela même, reconstituer, peu à peu, la société abolie ? Dans tous les cas, je ne me chargerais pas de l’exécution de ce programme ; je craindrais de mettre en péril les musées et les bibliothèques et bien d’autres inestimables trésors conquis par les veilles et le sang d’une foule d’ancêtres, en un mot, les archives nobiliaires de l’espèce humaine.
Il faudrait donc aviser à quelque autre manière de supprimer les patries et les guerres, pour pouvoir, sans péril, abolir les armées.
J’aperçois un moyen terme plus moral et bien plus recommandable, s’il était davantage à notre portée. Ce serait, sinon la suppression de ce qui est indestructible par nature, à savoir la division de la surface terrestre par la différence des climats qui entraîne fatalement des associations humaines de mœurs différentes, mais du moins l’accord de tous les hommes pour la commune possession ou l’équitable partage du sol et de ses produits. La réalisation de cet idéal exclurait du patriotisme la belliqueuse jalousie qui en altère la pure essence, et supposerait l’oubli préalable des griefs internationaux. Assurément, il ne faut désespérer d’aucun idéal. Il est possible que le génie humain ait encore des