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de nos devoirs envers les États-Unis. Avec eux aussi, nous avons et nous désirons garder des rapports cordiaux, et nous n’avons garde de nous immiscer dans un conflit que nous nous contentons de regretter. Ah ! si un de nos ministres, même à titre de député ou de simple particulier, avait tenu, en l’appliquant à l’Espagne, le langage que M. Chamberlain a tenu à l’égard des États-Unis ; s’il lui avait proposé notre alliance ; s’il avait choisi le moment actuel pour parler de l’utilité de resserrer dans un même lien tous les pays de race latine ; si un de nos ministres, même sans prendre conseil de ses collègues et sans avoir obtenu l’autorisation du président du Conseil, s’était livré à pareille imprudence, nous comprendrions qu’on en fit un grief contre notre gouvernement, ou contre la France elle-même. Mais il n’en a rien été. Notre conduite, notre langage, n’ont donné lieu à aucune interprétation fâcheuse. On se demande donc ce que veut la presse anglaise et quel est l’objet encore inavoué de la campagne qu’elle poursuit contre nous. Y a-t-il une pensée de derrière la tête ? S’agit-il des affaires du Niger ? On l’a dit, on a laissé croire que les négociations en cours marchaient mal et qu’elles étaient menacées d’une rupture ; on a assuré ensuite, dans les journaux français, qu’elles étaient terminées à la satisfaction des deux puissances et qu’un arrangement était déjà signé. La seconde affirmation n’était malheureusement pas plus exacte que la première et elle a été bientôt démentie ; mais, ce qui est vrai, c’est que les négociations se poursuivent dans les conditions les plus normales, et que, le jour où on le voudra à Londres, elles aboutiront. Ni sur ce point, ni sur aucun autre, on n’aperçoit un sujet de mésintelligence entre l’Angleterre et nous. Le gouvernement qui le ferait naître encourrait la plus lourde des responsabilités.


M. Gladstone, s’il existait encore et s’il avait l’intensité de vie qu’il a conservée presque jusqu’à son dernier jour, serait sans doute peu édifié par les mœurs politiques nouvelles qui tendent à s’introduire dans son pays. On s’explique très bien que M. Chamberlain n’ait pas pu rester longtemps d’accord avec son ancien chef, et qu’il ait déserté le parti libéral pour s’éloigner de lui le plus possible. La question du home rule les a divisés : à défaut de celle-là, une autre n’aurait pas manqué de naître pour faire ressortir l’opposition et l’antithèse entre les deux hommes. Ce n’est pas M. Gladstone qui aurait voulu acheter au prix d’une guerre l’alliance des États-Unis, et peut-être au prix d’une autre guerre celle de l’Allemagne. De pareilles conceptions l’auraient révolté. Nous n’avons pas toujours approuvé sa propre politique ; l’histoire