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là un groupe avec lequel, bon gré mal gré, il faudra compter, à moins qu’il ne s’abandonne lui-même et ne s’éparpille à la recherche de combinaisons nouvelles.

On entend beaucoup parler de concentration depuis quelques jours. L’idée de gouverner, ou d’essayer de gouverner en dehors de la droite et des socialistes a fait du chemin dans les esprits, et les incidens de la lutte électorale y ont aidé. Il est fâcheux que la Chambre se réunisse le lendemain même de la bataille : elle arrivera au Palais-Bourbon encore enfiévrée de passions qui n’ont rien de politique. Ce point de départ est regrettable. Dans quelques semaines et, en tout cas, dans quelques mois, d’autres événemens se seront passés. La Chambre se trouvera aux prises avec les difficultés qui proviennent des choses elles-mêmes. Les souvenirs électoraux, si vifs et si aigus aujourd’hui, iront en s’affaiblissant, en s’effaçant : des préoccupations plus sérieuses en prendront la place. Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour le moment, chaque député songe à son concurrent d’hier, et il a une tendance naturelle à chercher dans ses rancunes personnelles l’orientation qu’il convient de donner à la politique générale. La droite n’a pas été toujours habile dans la campagne qui vient de se terminer ; elle a parfois provoqué contre elle des susceptibilités très violentes ; il en a d’ailleurs été de même de la gauche avancée et socialiste. C’est pour cela que la concentration, hier encore si décriée, a retrouvé quelque chose de son ancienne faveur. Les radicaux veulent se débarrasser à tout prix du ministère actuel, et quelques modérés le défendent faiblement. On rappelle le temps où tous les républicains marchaient d’accord contre un ennemi commun, oubliant volontiers que cet ennemi n’existe plus et que les divergences les plus réelles se rencontrent désormais entre les républicains eux-mêmes. On se laisse aller à l’espérance de voir ces divergences diminuer, et même disparaître. Avons-nous besoin de dire que cette illusion ne durera pas bien longtemps ? Elle durera ce qu’a duré le baiser Lamourette. Il n’est assurément pas impossible qu’un peu plus tôt ou un peu plus tard, on essaie de faire un cabinet de concentration. Quelle joie de se retrouver entre républicains… enfin seuls ! Mais elle sera courte. Il s’est passé depuis quelques années des choses qui ont laissé des suites irréparables. Les replâtrages réussissent d’autant moins que l’intimité antérieure a été plus grande. Un cabinet de concentration, s’il vient à se former, commencerait avec une majorité considérable ; mais il faudrait quelque naïveté politique pour la regarder comme solide. Elle ne tarderait pas à s’émietter. Qu’on le veuille ou non, il n’y a plus