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Le commencement du finale m’a paru singulièrement précipité. Jamais une voix, surtout cette voix de géant que les contrebasses imitent, ne parlerait ni ne chanterait ainsi. Elle élargirait à l’infini, elle déclamerait, au lieu de les « déblayer », ces récitatifs grandioses, refus obstinés et farouches où les thèmes des morceaux précédens viennent se briser tour à tour. Mais, à partir de l’entrée de la mélodie et jusqu’au bout de l’énorme finale, M. Richter a fait des miracles. « L’Allemand, disait Wagner, veut non seulement sentir, mais encore penser la musique… » En cela M. Richter nous est bien apparu comme un Allemand, un véritable, un grand Allemand. Nous l’avons vu penser, et nous avons pensé par lui, avec lui, la pensée colossale qu’est le finale de la neuvième symphonie. Avec une force, une splendeur rayonnante, il l’a fait éclater aux esprits. Et, devant cette révélation totale et minutieuse, devant la grandeur de cette synthèse et la finesse de cette analyse, ceux-là mêmes qui n’ont jamais pu, qui ne peuvent encore admirer ici jusqu’à la fin, jusqu’à l’extrême fin, et qui s’en excusent ou s’en humilient ; ceux-là, pour la première fois, — pour une seule fois, peut-être, hélas ! — n’ont pas été loin de sentir tomber leurs dernières répugnances et leurs derniers doutes s’évanouir.

Je ne me croirais pas quitte envers MM. les chefs d’orchestre allemands, au moins envers deux d’entre eux, si, leur ayant rendu justice, je ne rendais hommage à Mmes Strauss et Mottl. L’une et l’autre se ressemblent un peu par la grâce aimable, presque naïve, par le charme discret et pénétrant de leur talent et de leur personne. Par-là encore elles diffèrent de quelques-unes de leurs compatriotes, imposantes, énormes, qui vinrent quelquefois, cuirassées de satin, ruisselantes de perles, jeter parmi nous, d’une voix presque virile, les sublimes clameurs wagnériennes. Mme Strauss a délicieusement chanté quelques délicieux lieder de son mari. Quant à Mme Mottl, au Châtelet, l’année dernière, elle avait été Yseult. Cette année, au Cirque, elle a été Clärchen, la vraie Clärchen de Gœthe et Beethoven, l’humble et vaillante fille, héroïque et naturelle, presque un peu bourgeoise, qui n’est point une valkyrie, une divine guerrière, mais un amour de petit soldat féminin.

Ainsi les couples d’artistes qui furent nos hôtes nous ont révélé ou rappelé l’âme tout entière de l’Allemagne : eux nous ont apporté sa force ; elles, sa poésie.


CAMILLE BELLAIGUE.