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LE JUGEMENT D’UN ANGLAIS
SUR LA FRANCE POLITIQUE

M. John Edward Courtenay Bodley arrivait chez nous au mois de mai 1890, et, sept années durant, sans relâche, sans interruption, du nord au midi, de l’est à l’ouest, il a parcouru notre pays dans tous les sens. Il vient de publier un ouvrage en deux volumes, fort remarquable et fort remarqué, dans lequel il a consigné les réflexions et les conclusions que lui avaient suggérées ses voyages d’étude[1]. Magistrats et professeurs, grands et petits propriétaires, ecclésiastiques, négocians, soldats, artistes, penseurs et paysans, il a lié commerce avec des Français de toute classe et de toute profession. Il s’était avisé dès l’abord que ce n’est pas à Paris qu’il faut nous étudier, que l’étranger qui vit dans cette ville délicieuse ne peut se soustraire à l’influence troublante de coteries rivales, dont les perpétuelles agitations sont souvent factices, que qui ne connaît pas la province ne connaît pas la France. Le devoir qu’il s’était imposé ne lui a point paru dur à remplir ; il lui a semblé que parcourir nos villes et nos campagnes était une occupation pleine de charme et de variété. « Aujourd’hui que je connais les provinces françaises comme peu d’étrangers les connaissent, nous dit-il, les scènes familières de la vie quotidienne, qu’on y rencontre chemin faisant, me procurent d’agréables sensations, aussi vives que lorsque je n’étais qu’un étranger qui passait. Un évêque bénissant de petits enfans dans les bas-côtés de sa cathédrale, un groupe de paysannes aux coiffes blanches sur la place où se tient un marché, un régiment défilant à travers un village au son du

  1. France, by John Edward Courtenay Bodley, 2 vol. in-8o ; Londres 1898 ; Macmillan and C°.