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leur teneur en azote est considérable. Je connais une prairie de l’Oise, fauchée tous les ans, dont le sol accuse 10 millièmes d’azote combiné.

L’enrichissement en azote des sols de prairie est assez rapide pour que l’on puisse l’observer ; sir J. B. Lawes et sir H. Gilbert l’ont constaté à Rothamsted, et moi-même à Grignon. On a pensé à profiter de ces connaissances pour introduire la prairie permanente dans les assolemens, de façon à enrichir les terres sans dépense d’engrais azotés. Il ne faudrait pas, cependant s’engager dans cette voie sans avoir la preuve, par des essais tentés sur de petites surfaces, quelle est profitable : un sol de prairie renferme un nombre incalculable d’insectes variés vivant des débris de toutes sortes que laisse la végétation continue ; quand on détruit cette végétation et que, voulant profiter de la richesse acquise, on ensemence une plante annuelle, on n’obtient souvent que des levées irrégulières : les graines, les jeunes plantes sont dévorées par les insectes, privés de leur nourriture habituelle ; en outre, les fermens nitriques ne prennent que lentement possession de ces sols très chargés de matière organique et, tous comptes faits, l’opération est souvent onéreuse.

Les terres labourées tous les ans ne renferment guère, même lorsqu’elles reçoivent d’abondantes fumures, que 1 à 2 millièmes d’azote combiné, les fermens fixateurs d’azote luttent contre les bactéries nitrifiantes, et il s’établit une sorte d’équilibre ; si on cultive sans engrais pendant une longue suite d’années une terre renfermant à l’origine 2 millièmes d’azote combiné, très vite’ sa teneur descend à 1 millième 5, et diminue encore quelque peu, mais l’épuisement n’est jamais complet ; en introduisant, comme on l’a fait à Rothamsted, des engrais azotés solubles en quantités bien supérieures aux exigences des récoltes, on n’observe aucun enrichissement ; l’azote que la plante n’utilise pas est entraîné par l’eau de drainage, où l’analyse le retrouve facilement.

La fertilité d’une terre n’est nullement proportionnelle à sa teneur en azote ; cette fertilité découle de la facilité que présente la matière azotée à se mobiliser sous l’influence des fermens, et c’est là ce que l’analyse, ainsi qu’il a été déjà dit, est impuissante à établir. On ne réussit à obtenir une notion précise sur ce sujet qu’en dosant pendant plusieurs saisons les nitrates entraînés par les eaux de drainage des terres maintenues sans végétation.

On trouve sur le bulletin d’analyse la teneur des terres en