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des débris qui sont successivement la proie d’une série de cryptogames et de bactéries. Avant d’arriver aux formes simples : acide carbonique, eau, ammoniaque, la matière organique en voie d’altération parcourt une série d’étapes ; à Tune des dernières, elle affecte une forme assez stable et porte alors le nom d’humus. L’humus est particulièrement abondant dans les terres où l’air ne pénètre que difficilement, dans les bas-fonds où les eaux séjournent ; les débris végétaux y sont la proie de bactéries analogues à celles qui pullulent dans le fumier et y produisent, par décomposition d’un des principes immédiats les plus abondans dans les plantes, la cellulose, le gaz combustible nommé actuellement par les chimistes formène ou méthane, mais désigné autrefois sous le nom caractéristique de gaz des marais. Il est probable que ces mêmes bactéries sont entrées en jeu lors de la formation de la houille ; on trouve, du moins, confiné entre ses assises, ce même gaz des marais ; c’est le grisou des mineurs, qui" occasionne parfois de terribles accidens.

L’humus ne prend pas naissance seulement au sein des eaux dans les marais tourbeux, il se produit encore dans les terres médiocrement humides ; mais, dans ce cas, la décomposition des débris végétaux est plutôt due à l’action des champignons et des lombrics, ou vers de terre, qu’à celle des bactéries.

Sur les fragmens de feuilles, de racines, de fruits, abandonnés à l’air humide, apparaissent des champignons, des moisissures qui s’assimilent les matières végétales, en brûlent partiellement le carbone par leur respiration et utilisent la matière azotée à la formation de leurs propres tissus. Parmi les principes immédiats constitutifs des végétaux, les enveloppes des cellules, la cellulose, les sucres qui y sont contenus, disparaissent par combustion lente, tandis qu’au contraire la matière très riche en carbone qui forme les parois des vaisseaux, la vasculose, persiste ; elle se déshydrate, s’oxyde, acquiert la propriété de se dissoudre dans les alcalis, d’où le nom d’acide humique, sous lequel elle est souvent désignée.

Les vers de terre contribuent également à la formation de l’humus. L’illustre naturaliste anglais, Darwin, a insisté plus que tout autre sur le travail très curieux qu’ils exécutent ; ils entraînent dans leurs trous les feuilles, les débris végétaux ; ils s’en nourrissent et rejettent, mélangés à de la terre, des résidus ayant encore les caractères de l’humus.