Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point de vue scientifique, et à ce point de vue seulement ; si la science a ouvert la voie, les praticiens sont encore bien loin de s’y engager partout, et si l’emploi des engrais commerciaux est fréquent dans la région septentrionale et en Bretagne, il est très restreint dans le centre et une grande partie du midi de la France. Cependant la vulgarisation des nouvelles méthodes se poursuit ; les professeurs d’agriculture, disséminés dans tous les départemens, s’y emploient activement ; ils multiplient les champs d’expérience et de démonstration, ils entraînent les praticiens à utiliser les nouveaux engrais : les cultivateurs s’instruisent peu à peu, et comme les syndicats qu’ils ont établis leur vendent les matières fertilisantes à bas prix, et les mettent à l’abri des fraudes dont ils ont été si longtemps victimes, l’utilisation des engrais commerciaux s’accroît chaque année. La marche en avant est lente, mais continue, et les agronomes, tranquilles de ce côté, peuvent porter leur attention sur d’autres sujets.

Si la plante, en effet, s’alimente de nitrates, de phosphates, de sels de chaux et de potasse, elle consomme de l’oxygène pour sa respiration et, en outre, elle transpire d’énormes quantités d’eau ; elle ne se développe normalement qu’à la condition d’enfoncer sa racine dans un sol aéré, et d’y trouver de puissantes réserves d’humidité.

Des expériences de laboratoire, faciles à répéter, ont montré que les végétaux périssent, bien que leurs tiges et leurs feuilles s’épanouissent dans l’air, quand la terre où pénètrent les racines est privée d’oxygène. Ces expériences démontrent, en outre, qu’une graminée comme l’orge, l’avoine, ou le blé, transpire de 250 à 300 grammes d’eau pendant le temps qu’elle met à élaborer 1 gramme de matière sèche ; d’où l’on déduit que : lorsque I hectare a produit 30 quintaux de grains de blé et 60 quintaux de paille (c’est-à-dire 9 000 kilos, se réduisant à 8 000 kilos de matière sèche), il a dû fournir à cette récolte 2 400 mètres cubes d’eau environ. La hauteur de la pluie sous le climat de Paris atteint de 500 à 600 millimètres, ce qui représente de 5 000 à 6 000 mètres cubes par hectare. La quantité d’eau tombée est donc supérieure à celle que consomment les récoltes, mais elle est très inégalement répartie entre les saisons, et la pluie que reçoivent les plantes pendant leur période de végétation est très souvent insuffisante pour fournir à la transpiration végétale ; or, aussitôt que les racines n’envoient plus aux feuilles assez d’eau