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C’est dans les portraits d’hommes surtout qu’on serait empoché de retrouver ce torrent de lumière qu’on nous avait annoncé. On le cherchera vainement dans les portraits peints par M. Ménard, Mlle Rœderstein, par MM. Evenepœl, Anquetin, et Lufkin, c’est-à-dire par des modernistes. Quant à la gaieté et à la vie, considérez les toiles de M. Entz ou de M. Aman-Jean ! Encore moins trouvera-t-on appliquée la théorie des taches reflétées. Et c’est fort naturel. Un paysage souffre, de la part du peintre, tous les travestissemens de couleurs, et une vache innocente dans un pré se laisse découper en morceaux multicolores où ne se retrouvent plus ni sa forme distincte du reste du paysage, ni sa couleur primitive. Mais l’homme qui pose pour son portrait n’a nulle envie de voir, à la place de sa figure, un assemblage des reflets du bois de son fauteuil, des plâtres de son plafond, des cuivres de son bureau et des faïences de son garde-manger. Tout au plus, M. Dagnan fait-il sentir, dans l’ombre de la joue et du col de son portrait de jeune homme, le reflet du ton vert de la tapisserie. Ensuite, dans le portrait, la théorie des réactions du milieu coloré sur la figure est exactement contraire au but qu’on se propose, qui est d’abstraire précisément la figure de son milieu et de nous la montrer, au vif, dans sa plus grande individualité.

Pour cette raison ou pour d’autres, les portraits impressionnistes deviennent de moins en moins nombreux. On n’en trouve même guère d’aussi hardis que celui de M. Pertuiset, le tueur de lions, que Manet exposa il y a quelque dix-sept ans. La voie qu’il ouvrit alors a été suivie, puis abandonnée, sans avoir conduit personne nulle part. Les exemples qui sont à la salle Caillebotte n’attirent plus les jeunes peintres d’avenir. L’ombre est revenue jaunir la plupart des portraits d’hommes contemporains. Ainsi a fini l’Impressionnisme en peinture, — le paysage excepté ! — Mais cette année, il s’est révélé, en sculpture, par un portrait d’homme ou un symbole qu’il nous reste à examiner.


III

Du Balzac de M. Rodin, il n’y aurait rien à dire, si la Presse n’en avait pas tant et si paradoxalement parlé. Qu’un artiste de talent échoue dans le modelage d’un homme en robe de chambre et le laisse à l’état d’ébauche, il n’y a rien là d’extraordinaire. Que cet artiste se contente pourtant de cette ébauche et la fasse voir en