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LES PORTRAITS D’HOMMES
AUX SALONS DE 1898

Ceci n’est pas un Salon ; — c’est-à-dire que ce n’est ni un catalogue, ni une description, ni un palmarès. À l’époque lointaine où quelques centaines de toiles ou de bustes garnissaient une pièce de l’hôtel Jabach ou la galerie d’Apollon, au Louvre, le critique pouvait en dresser un inventaire complet et raisonné, comme on le fait des richesses d’un salon. Aujourd’hui que sept mille six cents objets qualifiés œuvres d’art ont besoin pour s’abriter d’une galerie de 48 000 mètres carrés, plus propre à servir de manège aux chevaux des cosaques qu’à fournir à la méditation esthétique un lieu de recueillement et de paix, il serait vain de vouloir refaire les inventaires encyclopédiques du siècle dernier. Il y a pour cela des catalogues.

De même, à l’époque plus récente où les tableaux et statues exposés à Paris n’étaient vus que par quelques Parisiens, et où les rares journaux illustrés ne pouvaient en donner au dehors l’image immédiate et ressemblante, la description littéraire de ces œuvres était permise. Le critique luttait, comme il pouvait, contre le pinceau avec sa plume et, dans les tableaux à l’encre, qu’il traçait à coups d’adjectifs, il reproduisait, pour ceux qui n’avaient pu voir les originaux, l’impression visuelle qu’il avait ressentie. Mais du jour où la photogravure, plus rapide que la plume du critique et infiniment plus sûre, a porté au loin, dès l’ouverture du Salon, la reproduction exacte de tous les tableaux notables exposés, la description que vient en faire péniblement l’écrivain n’est plus qu’un pléonasme, ou qu’une gageure. Pendant qu’il s’ingénie à décrire le tableau de M. Bouguereau, à expliquer, par exemple,