Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/568

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maure, de Dartigoyte, présidé par Bazire, cousin de Lalligand, et Bazire n’hésita pas à trouver singulier que le ministre n’eût pu encore obtenir la remise des pièces réclamées par le Comité. Gohier les réclama donc de nouveau avec une énergie désespérée et, le 28 juillet, le tribunal d’Autun s’exécutait. Les originaux de la procédure étaient soustraits des cartons du greffe et expédiés au Comité de sûreté générale, où le cousin Bazire ne les laissa pas traîner.

Mais Lalligand ne se déclara pas satisfait : d’abord on ne lui renvoyait pas ses faux louis qu’il ne voulait pas perdre ; il songeait ensuite que le greffe d’Autun pouvait bien avoir conservé les minutes de ses interrogatoires et du jugement. L’ami Burthe se trouvait justement de loisir, et vite, le faux monnayeur le dépêcha vers sa ville natale, muni d’une lettre du ministre de la Justice, afin d’en rapporter les dernières pièces constatant ses méfaits et la précieuse caisse contenant l’outillage qui pouvait ne pas être inutile, si les mauvais jours revenaient. Les magistrats d’Autun comprirent qu’il n’y avait plus à résister : ils laissèrent Burthe emporter tout ce qu’il voulut, et, entre autres objets, trois petites caisses d’outils, de louis faux, de coins, de matrices et de marteaux.

Lalligand pouvait désormais marcher la tête haute : il s’était refait une virginité.


IX. — LE PROCÈS

Cependant, à l’Abbaye, les dames Desilles vivaient en commun, ainsi que nous l’avons dit, avec Mme de la Guyomarais et Thérèse de Moëlien.

Ces cinq femmes, séparées de leurs coaccusés, employaient les durs loisirs de la prison à retourner de mille façons les incidens de leur arrestation, à en ressasser les circonstances, à supputer les faibles chances de salut qui leur restaient. Il y avait pour elles bien des points mystérieux dans l’intrigue qui les avait réunies là : les péripéties mêmes du drame établissaient que les secrets de l’association avaient été trahis ; mais par lequel des conjurés ? Et, cette question se posant sans cesse à leur esprit, elles en vinrent à se rappeler quelques réticences de Chévetel, quelques soupçons émis par cet ami sûr, qui avait su, à plusieurs reprises, désigner adroitement à leur défiance l’aide de camp Fonte vieux. Celui-ci, depuis la mort de la Rouerie, n’avait pas reparu en Bretagne : il