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Key-West que la notification spéciale eût été faite ; tout au moins que l’Annapolis eût entamé la procédure légale de cette notification ; et que le paquebot, avisé formellement, ait tenté de dépister la croisière. Dans ce cas, le transatlantique eût été de bonne prise, même quand il n’aurait pas transporté de contrebande de guerre. Cependant, une fois conduit à Key-West, il a été relâché. D’après quelques télégrammes, on a fini par découvrir que le Lafayette n’avait pas tenté de forcer le blocus. On a dit encore que notre ambassadeur avait demandé pour ce navire la permission d’embarquer à la Havane quelques passagers français ; que le gouvernement de Washington avait accordé cette autorisation « par dérogation aux règles strictes du blocus » ; et que l’amiral Sampson avait omis de communiquer ces instructions aux officiers capteurs. Enfin, quelques journaux anglais ont insinué que M. Mac Kinley ne s’était pas soucié d’entrer en conflit, à propos d’un tel incident, avec le gouvernement français. C’est bien possible, car ce gouvernement aurait pu facilement contester le caractère effectif du blocus, et mettre ainsi les États-Unis dans l’embarras.

Au Sénat espagnol, le comte de Peña de Ramiro ; à la Chambre, un député de Puerto-Rico, M. Garcia Molinas ont reproché vivement aux Américains d’avoir bombardé San Juan sans avis préalable. En effet, si le droit international ne proscrit pas le bombardement d’une ville protégée par des forts, il atténue l’horreur de cette pratique en imposant la formalité d’un avertissement. Cette règle fut observée par la France aux sièges d’Anvers, de Rome (en 1849), de Sébastopol. Il est vrai que l’armée allemande crut devoir bombarder à l’improviste, pendant la guerre de 1870-1871, la Fère et Paris. Le corps diplomatique fit remettre, on le sait, une protestation collective à M. de Bismarck par M. de Kern, ministre de Suisse (13 janvier 1871). Le chancelier répondit, sans doute, que la dénonciation préalable n’était point « exigée d’après les principes du droit des gens, ni reconnue obligatoire par les usages militaires » (17 janvier). Mais le corps diplomatique n’accepta pas cette réponse et réitéra sa protestation (23 janvier). Pendant la guerre de 1894, l’amirauté japonaise, à la demande de l’amiral anglais, sir R. Freemantle, promit de ne pas bombarder Weï-Haï-Weï ni Che-fou sans une déclaration préalable faite deux jours à l’avance. En 1896, quand, après la mort de Hamid-Seyid, sultan de Zanzibar, Saïd-Khaled se fut