Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
LE PEUPLE GREC.

elle était donc, par rapport à l’autre, « hyperboréenne », selon l’expression des Grecs eux-mêmes. Elle faisait partie de la race blonde à crâne allongé et aux yeux bleus. Abusivement appelée aryenne du nom d’une de ses tribus émigrées en Asie, cette race se rattache par le squelette aux races quaternaires et néolithiques de l’Europe occidentale et, selon l’opinion aujourd’hui en faveur, son berceau doit être cherché non en Asie, mais en Europe[1]. Il s’est produit à diverses époques une série d’invasions d’hommes du Nord n’ayant rien d’asiatique. La Gaule fut un des premiers pays conquis par ces septentrionaux, les vrais Gaulois ou Galates, qui de là passèrent en Italie et en Espagne. D’après la philologie, les invasions vers l’Orient seraient postérieures. Trouvant la voie du Sud fermée par le premier essaim qui s’y était déjà établi, les hommes du Nord auraient cherché une issue par l’est de la Baltique et se seraient mêles aux Pélasges de Grèce, plus tard aux Perses et aux Indiens. Quant aux Germains proprement dits, aux Belges et aux Normands, ils représentent un troisième groupe d’émigrations ultérieures, toujours de la même race. En Grèce, toutes les légendes s’accordent à présenter les Hellènes, Ioniens, Achéens, comme des aristocraties venues du Nord et superposées aux Pélasges de la côte orientale. Ils avaient été précédés, dans l’Attique même, de 400 à 500 ans, par les Thraces, leurs congénères et « dolicho-blonds » comme eux.

  1. La langue grecque, d’après les recherches les plus récentes, ne vient nullement du sanscrit. Ce dernier, avec les langues de l’Inde, est plus éloigné de la langue aryenne primitive, à plusieurs égards, que les langues européennes, notamment le lithuanien, le grec, le vieux latin ; et la langue mère a dû être européenne, non asiatique (Sayco, Principes de philologie comparée ; Paris, 1884, p. 13.). L’écriture indienne, qu’on croyait si antique, dérive des alphabets grecs et araméens : elle est postérieure à Alexandre le Grand. Les Védas, où l’on avait voulu voir lu « première effusion lyrique de l’humanité », ne sont des chants ni primitifs, ni naïfs : ce sont des œuvres savantes postérieures à l’an 1000 avant notre ère et mis par écrit vers le IIIe siècle après J.-C. (Bergaigne, la Religion védique, 3 vol., 1878-1883.). De même pour l’Avesta ; selon M. James Darmesteter, cette littérature est postérieure, non seulement à Alexandre le Grand, mais à la renaissance de l’Empire persan sous les Sassanides, c’est-à-dire trois siècles après J.-C. (Halévy, Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions, 1881, p. 214.).
    On a montré aussi que l’origine asiatique de nos espèces domestiques est un pur mythe. Si les Asiatiques, d’ailleurs, avaient introduit des animaux domestiques en Europe, ils n’auraient pas manqué d’y importer des chameaux et surtout des ânes, qui font précisément défaut dans tous les gisemens de l’âge de la pierre (A. Otto, Zur Geschichte der aelteston Hausthiere ; Breslau, 1890. Rien ne prouve non plus que le blé vienne de Mésopotamie.) En un mot, tous les argumens en faveur des origines orientales sont aujourd’hui contestés.