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voulant rétablir la tranquillité publique, a jugé opportun de mettre sur pied des forces de blocus devant les ports des États rebelles : une force navale effective sera donc expédiée pour empêcher l’entrée et la sortie des navires en croisant devant les ports rebelles. » C’était annoncer un blocus par croisière. Les Etats-Unis ne pouvaient pas procéder autrement à cette époque, alors qu’ils voulaient bloquer une étendue de côtes de 3500 kilomètres, comprenant quatre-vingts ports ou embouchures, avec une flotte de quarante-cinq vaisseaux de guerre[1]. M. Mac Kinley annonce au contraire que des forces suffisantes iront « stationner » pour empêcher l’entrée et la sortie des navires.

Or le Congrès de Paris, il faut le reconnaître, en décidant que les blocus doivent être effectifs pour devenir obligatoires, n’a pas défini le blocus « effectif ». Quoique la déclaration eût certainement proscrit, tout au moins, les blocus sur le papier, pratiqués par l’Angleterre en 1689, en 1775, en 1806, M. Marcy, secrétaire d’Etat d’Amérique, a pu dire dès le 28 juillet 1856 : « Ce que l’on doit entendre par une force réellement suffisante pour interdire l’accès de la côte ennemie a été une question très souvent débattue, et la déclaration, en répétant simplement une maxime incontestée de droit maritime, n’enlève rien au sujet de sa difficulté. » Un très grand nombre de navires entrèrent donc pendant la guerre de Sécession dans les ports que les fédéraux prétendaient bloquer, et le Sumter, navire cou fédéré, y ramena librement, jusqu’au 25 août 1861, soixante-quinze prises, ce qui n’empêcha pas lord John Russell d’envisager, dans un discours du 10 mars 1862, le blocus de ces ports comme effectif. En définitive, le consensus gentium ne s’est pas établi sur la question suivante : le blocus n’est-il effectif que si des vaisseaux stationnent devant la côte ennemie, de manière à cerner le lieu bloqué, n’étant pas séparés les uns des autres par une distance supérieure à une double portée de canon et flanqués d’une escadre volante, comme l’enseigne le jurisconsulte français Fauchille ? ou le blocus par croisière peut-il encore être pratiqué, même par les signataires de la déclaration, comme l’affirmait lord Palmerston le 10 mars 1862 ? A notre avis, ce dernier mode de blocus n’est pas indistinctement licite, mais n’est pas indistinctement prohibé par la déclaration de Paris. Ce n’est point par inadvertance que les plénipotentiaires

  1. A laquelle on ajouta, pendant les hostilités, une cinquantaine de navires marchands.