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marine et les commandans d’escadre au sujet d’opérations stratégiques, nous aurions, en lui laissant la libre disposition du télégraphe, enfreint les lois de la neutralité. Le gouvernement des Etats-Unis, qui vient d’interdire (16 mai) aux compagnies des câbles sous-marins la transmission des dépêches relatives aux mouvemens de ses flottes, sait très bien quel concours l’usage ou l’abus du télégraphe peut apporter à l’un des belligérans.

L’Etat neutre peut d’ailleurs, s’il craint de favoriser indirectement les hostilités, fermer ses ports aux belligérans, sauf le cas de relâche forcée, comme le firent l’Autriche en 1801, pour Cattaro, l’Angleterre pour les ports, rades et eaux des îles Bahama pendant le guerre de Sécession, et la Suède en 1870 pour ses cinq ports militaires. Il peut se borner à limiter la durée du séjour. C’est ainsi que le récent décret de neutralité publié par le Portugal permet l’entrée des navires belligérans dans les ports de cette puissance, mais « pour un court séjour seulement » ; que la déclaration du gouvernement britannique leur interdit de rester plus de vingt-quatre heures dans un port anglaisa moins de mauvais temps, de réparations ou de réapprovisionnemens urgens ; que la déclaration russe du 18 avril 1898 n’accorde également aux bâtimens de guerre qu’une hospitalité de vingt-quatre heures, que notre gouvernement leur défend de séjourner avec des prises pendant plus de vingt-quatre heures dans les ports ou rades de la France, de ses colonies et des pays protégés.

Enfin, d’après un principe généralement admis, un bâtiment de guerre ne peut quitter un port neutre moins de vingt-quatre heures après le départ d’un navire ennemi qu’il cherche à poursuivre[1]. La déclaration russe vient de confirmer cette règle.

II. L’asile est de droit en cas de détresse et l’on donne à ce mot l’acception la plus large. M. Richard Kleen a rangé parmi les cas de détresse, dans ses Lois et usages de la neutralité, le manque d’eau, de charbon[2], de vivres ou le besoin de réparations, et nous croyons qu’il ne s’est pas trompé. Telle est la portée de la déclaration anglaise. La déclaration russe réserve au gouvernement impérial le droit d’accorder une prolongation d’asile « dans les cas de mauvais temps, de dénuement à bord d’objets ou provisions nécessaires à l’entretien de l’équipage ou pour cause de

  1. Bluntschli, Règle 776 bis.
  2. Ce publiciste fait observer que « la houille rentre dans la catégorie des moyens d’existence pour les navires de construction moderne ».