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profondeur sous un extérieur simple : son nom est anglais ; mais quoique j’affectai exprès d’en prononcer quelques mots, je n’ai pu l’attirer à me répondre ; je crois qu’il sait cacher son jeu. »

Les présentations faites et les complimens échangés, Petitbon et Lalligand s’établirent dans le salon et les interrogatoires commencèrent.

Taburet parut le premier : il par la des soins donnés à Mlle Agathe de la Guyomarais et aussi à un autre malade qu’il ne connaissait point. Jamais il n’a entendu dire que ce malade fût le marquis de la Rouerie ; quant à son signalement, il ne peut l’indiquer que d’une façon très vague : il ignore d’ailleurs absolument quel a été le dénouement de la maladie. Le jardinier Perrin, appelé ensuite, se montra moins réservé. L’avait-on fait boire ? Cela semble probable, car il par la beaucoup et longtemps, et, même à travers la froideur voulue des termes du procès-verbal, on retrouve, dans ses réponses, l’obstination et la méticulosité d’un homme ivre. Il commence par déclarer qu’il ne peut donner le signalement « du quidam soupçonné d’être le marquis de la Rouerie, attendu que, le sachant malade, il a eu de la répugnance à l’examiner de près. » Il l’a vu mort dans la chambre du premier étage ; mais « il n’a prêté aucune attention à sa figure. » Lalligand, qui soignait sa mise en scène, invita immédiatement Petitbon à quitter le salon et à le suivre à l’étage supérieur : il installa le juge dans la pièce même où était mort le proscrit ; et, persuadé que ce décor influerait sur la suite des interrogatoires, il ordonna de poursuivre l’enquête.

Là, en effet, Perrin devint loquace ; il indiqua le lit à rideaux où le marquis avait rendu le dernier soupir, l’autre lit où couchait Saint-Pierre, expliqua que s’il était entré dans la chambre, c’était sur l’ordre de M. de la Guyomarais et pour aider le domestique de l’inconnu à porter le corps hors du château : il raconta ensuite l’inhumation, n’omettant aucune circonstance, ni le concours prêté par le précepteur, ni les recommandations qu’on lui adressa de garder sur ces faits le plus profond silence : mais il se défendit de pouvoir reconnaître l’endroit où la tombe avait été creusée : il était près de neuf heures du soir quand il cessa de parler.

Interrompant alors la procédure, Lalligand, de crainte qu’à la faveur de la nuit, on fît disparaître quelque pièce à conviction, ordonna d’apposer les scellés sur diverses armoires, entre autres