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que j’en aie. Il est possible, après tout, que les tournans des civilisations ne soient pas si brusques, que s’y brisent toujours les chars de ces pauvres coureurs, qui sont les penseurs et les artistes. Mais enfin elles tournent, tout comme la terre, et, à moins que ces savans, qui sont si sûrs de ce qu’ils avancent, ne découvrent demain que décidément la terre ne tourne pas, je crois, en toute humilité, que nous devons tous nous fortifier le cœur, en arrivant au tournant où nous sommes ; défendre en art nos droits imprescriptibles et nos antiques amours en regardant devant nous sans peur, mais sans illusion ; et, avant de construire la maison prochaine, chercher les raisons de penser dans les leçons du passé, comme nous trouvons celles de vivre dans les nécessités du présent ; enfin travailler, aimer et prier, ce qui est la forme trinitaire de la vie complète, semblable à la figure génératrice des pyramides, des temples et des cathédrales, et, pour le reste, tout attendre de la lente et merveilleuse évolution du monde.

Et puisque, aussi bien, c’est de cette évolution même, étudiée comme une longue floraison de l’esprit sur les choses, que j’ai pris le thème initial de ces études, l’idée de succession et de non-progression des arts, me voici amené logiquement à la nécessité de sortir de l’architecture pour chercher une formule plus sensible de la vie, et de transporter mon analyse sur le terrain où l’art même se transporte et se transpose dans le symbole, à travers l’histoire, par la technique. Et s’il est vrai que, en tout temps comme en tout pays, l’architecture une fois constituée, impuissante à exprimer toute l’intensité de la nature et de l’idée, appelle à son aide la sculpture, comme la sculpture plus tard appellera la peinture, j’ai hâte de passer par une naturelle déduction, de l’art que j’ai appelé le plus simple, le plus exact, le plus impersonnel, le plus près de la Matière enfin, à un art déjà plus sensible, plus individualisé, mais aussi plus près de l’Homme, la Sculpture.


G. DUBUFE.