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ou sans argent ? Or, prenons-y garde, dès que s’en vont la confiance et l’entrain de l’ouvrier, — l’amour du métier, — le monument dépérit, l’artiste s’oublie, et c’en est bientôt fait de l’art. Le lien qui unissait tous les artisans d’un même corps de métier dans l’ancienne organisation de la société européenne, et que la France la première a rompu en 1789, assurait aussi les conditions du travail, et perpétuait les traditions techniques. L’immédiat résultat, chez nous, du brusque changement arrivé à la fin du XVIIIe siècle, est visible dès les premières années du siècle suivant. Sous le premier Empire, ce qu’on fait encore de bien comme appareillage de pierre, surtout comme ciselure de métaux est dû à une génération d’ouvriers nés ou élevés sous Louis XVI. Bientôt après, les belles habitudes de travail manuel se perdront ; les rivalités entre les villes et les provinces, et même entre les maîtrises de chaque ville, disparaîtront peu à peu ; les ouvriers se désintéresseront de tout ce qui n’est pas le travail brut, et le brutal intérêt ; ils ne penseront qu’à vivre au jour le jour, — et c’est légitime, puisqu’on ne leur demandera plus que l’espérance du jour sans lendemain, — ils feront leur tâche obligatoire, et pénible, certes ; mais ils n’aimeront plus l’œuvre libre : le lier métier est retourné à la corvée, presque à l’esclavage.

Et ceci encore, du plus haut artiste jusqu’au plus humble ouvrier, n’est qu’un manque de foi. Chez l’artiste, l’habileté n’aura jamais été plus grande, à défaut de l’émotion, qui s’envole avec la naïveté, la sincérité, et autres préjugés. Chez l’ouvrier, la main-d’œuvre restera aussi savante que jamais, mais inerte, insensible, machinale et comme inexpressive. Et par une coïncidence, qui m’a toujours paru la révélation d’une cause, cette insensibilité de l’ouvrier et du métier apparaît aux momens psychologiques d’un exagéré et maladif amour pour les restaurations de tout, de cette manie d’ancien quand même, propre aux races fatiguées, qui paralyse tout effort généreux et personnel. Passion de pharisiens, art d’embaumeurs ! Le bibelot a tué l’invention. Admirez comme, depuis vingt-cinq ans ou un peu plus, malgré de courageuses tentatives, isolées d’abord, aujourd’hui peut-être un peu plus collectives et confiantes, pour indisciplinées qu’elles soient, on a tout copié à tort et à travers, sans suite dans les goûts et sans logique dans les besoins ; comme on a revu et répété — ressassé — les mêmes morceaux d’architecture, depuis la belle petite renaissance à bon marché jusqu’au Louis XV riche et surmoulé de nos