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grandes ruines de Sicile, plus rarement à Rome même où allait bientôt mourir l’idéal attique, en l’attente du nôtre. On fera, dans l’ordre calme et simplement statique de la construction rectiligne, des œuvres plus complexes ou plus riches ; on n’en fera pas de plus pures, ni de plus humainement belles, parce que celle-là est vraie humainement, — belle à la proportion de l’homme. J’entends qu’on en pourra faire de plus colossales, mais non pas de plus grandes, au sens de l’esprit. Il n’est que trop facile de trouver, à l’étude plus attentive des monumens-types dans l’histoire, la preuve évidente, et constante, que l’exagération des dimensions, le toujours au-delà de la mesure, dans la force aussi bien que dans la grâce, ne produit jamais que des disproportions et des anomalies, — en esthétique comme en histoire naturelle, des monstres. A Athènes même, l’Olympeion, achevé seulement du temps d’Hadrien, à quelques pas du Parthénon — à ses pieds — donne, avec des proportions qui devaient être beaucoup plus grandes, l’impression de quelque chose de bien moins noble, et d’un peu faux. On sait que la Madeleine est sensiblement plus grande aussi que ce même Parthénon. Que l’on mesure après cela la différence en beauté — en signification — entre un monument qui exprimait à son heure, dans toute la perfection possible, à un moment suprême de la vie d’un peuple, la foi, la volonté, la gloire et la richesse de ce peuple, et la copie glacée inutile surtout de ce monument, refaite après des siècles au milieu d’une autre atmosphère physique et morale, sans nécessité, sans conviction, sans foi ! Un Parthénon sans Minerve présente, un Parthénon sous la pluie de Munich, sous la brunie de Londres ou sous le rire de Paris, quel non-sens ou quelle contradiction, digne d’un savant peut-être, mais non d’un artiste !

Les Romains eux-mêmes, — qui furent d’ailleurs peu artistes, — conquérans, légistes, assez bons orateurs et excellens militaires, n’ont en rien grandi l’idéal grec, s’ils ont agrandi les proportions des temples et les étages des palais. Peut-être le plus beau monument de Rome, et le plus expressif, est-il le Colisée, comme les Thermes de Caracalla et le Cloaque Maxime en sont les meilleurs ouvrages. Et qu’est-ce encore ? Un temple pour la divinité, un mystique sanctuaire pour la Virginité, la Beauté, ou la Justice ? Non ! pas même le palais d’un héros, mais un cirque pour amuser le peuple ou l’abrutir, des bains ouverts à la foule par des tyrans, et un égout pour assainir l’ordure d’une plus