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croyans et des heureux. Mais quel que soit ton rôle futur, poète de la pierre ou du fer, architecte nouveau, ne poursuis pas ton chemin, si tu n’es pas capable aujourd’hui, pour bâtir la maison de demain, de connaître l’énigme construite des grandes maisons du passé, de pénétrer l’âme des vieilles bâtisses, au-delà de leurs masses immobiles. Regarde toujours l’intention derrière la forme muette. Cherche la volonté d’un homme ou le consentement d’une foule derrière le mur silencieux. Si tu songes encore à tout ce que les pierres gardent du passage des hommes, tu auras l’intime intelligence des vieux monumens, qui t’apparaîtront comme des cristallisations nécessaires, à des momens donnés de l’histoire, de besoins passagers ou d’idées éternelles.


II

Sans s’attarder aux problèmes toujours obscurs des très lointaines époques, on peut dire que les origines orientales des religions, des civilisations, et par conséquent des arts, donnent une suffisante explication des plus anciennes traditions qui placent le berceau des races sur le plateau d’Asie. Les plus anciens types d’architecture connus sont certainement en Asie. L’Inde, la Perse, la Chine offrent des spécimens vraiment beaux d’architecture constituée, à des époques fabuleusement reculées, les plus anciennes sans doute, avec l’Egypte, si l’on néglige un état embryonnaire qui a dû être, dans tous les pays à peu près le même, à peine différencié par la nature des matériaux dans les climats différens, et caractérisé par la hutte primitive de l’homme se fondant un abri contre les élémens, l’inclémente nature, et les innombrables animaux, animal lui-même à peine supérieur. L’uniformité dans la grossièreté, tel a dû être le caractère premier de l’architecture de nos ancêtres très inconnus ; car la diversité, — l’individualité, — est déjà un progrès considérable qu’il a fallu des siècles sans doute pour conquérir et où l’on peut voir le commencement de l’art. Cependant les relations entre peuplades voisines, et bientôt les migrations à travers les mers, déserts mouvans plus faciles à traverser pour ces hommes encore à demi barbares que les montagnes et les forêts, rapprochèrent peu à peu les races qui s’ignoraient ; et de leurs besoins comparés — de leur mutuel étonnement — commença la grande lutte d’idées, de désirs et d’admirations, d’où allait éclore pour chacune d’elles un