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en bois de grume et en boue aboutit au Parthénon triomphal, et de même, la figure pyramidale, chère aux Égyptiens, persiste sous le temple hellénique, comme, après quatre mille ans d’art, elle renaîtra dans l’élancement joyeux et pensif du clocher gothique. On sait qu’une étude plus attentive du Parthénon a fait reconnaître que toutes les lignes verticales de sa construction convergeaient un peu vers un sommet de pyramide idéale[1], comme si tout l’effort de sa masse montait lentement vers l’idée, — convergeait dans l’azur !

C’est qu’aussi bien, toute architecture est un surswn corda de la matière. Depuis la hutte préhistorique où l’homme redresse dans l’espace le premier arbre tombé, jusqu’à la cheminée de l’usine moderne, l’exhaussement des matériaux correspond à l’exaltation des efforts. Les sommets des beaux monumens, des monumens logiques, sont toujours des sommets d’idée. Si les premiers temples païens n’étaient que des maisons humaines augmentées, des foyers divinisés, la première église fut vraiment la maison commune idéalisée. Et successivement ainsi, on peut suivre, dans le livre des monumens, le développement de la cité antique autour de son temple et celui de la nation moderne autour de son église, comme on suivra, demain, la croissance rationnelle de l’humanité autour du symbole nouveau. Et c’est pourquoi je le dis, architecte ou poète, — car tout monument a son rythme et sa poésie, — ne doute pas de la présence du symbole jusque dans les ouvrages les plus simples de ton métier, non plus que de la nécessité de l’enthousiasme dans les plus humbles efforts de ton art. Car derrière les conditions statiques de tout ce qu’on a édifié, se cachent des lois certaines de beauté, et derrière ces lois encore, les raisons mystérieuses d’essentielle et supérieure signification. Tu ne comprendrais pas le sens sacré des murs où ont vécu, où ont pleuré, où sont morts des êtres, si tu en approchais avec orgueil ou avec mépris. Garde, au seuil de toute demeure, la simple humilité de l’admiration, qui seule fait des

  1. « Tout porte à croire, disait déjà en 1844 M. Villeroi (Revue générale de l’Architecture), que le principe des axes inclinés a été admis dans la construction des monumens du siècle de Périclès pour neutraliser la poussée des parties supérieures. » Et le même auteur établit ingénieusement les lois générales de l’architecture grecque : « Les temples antiques de l’ordre dorique se composent de quatre pans inclinés qui, passant par les axes des colonnes, et prolongés en hauteur, se confondaient en une arête si le monument est rectangulaire, en un point, s’il est carré. »