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C’est encore une banalité de dire qu’il faut être toujours prêt à la guerre, à tous les genres de guerre, dans un siècle où quelques-uns se flattaient innocemment d’inaugurer le règne de la paix. Cette banalité, ne craignons pas de la répéter en présence d’opérations militaires qui révèlent un surprenant défaut de préparation, de méthode et peut-être de sang-froid.

Être prêt à la guerre, ce n’est pas seulement en admettre l’éventualité et l’accepter d’un cœur ferme, c’est aussi en examiner — à temps ! — toutes les chances et se mettre exactement en mesure d’y faire face.

Au moins faut-il savoir mettre à profit ses avantages, être résolu à prendre l’initiative des hostilités quand on sait l’adversaire futur momentanément hors d’état de soutenir le choc. Hésitera déclarer la guerre, une guerre inévitable, dans l’espoir de se ménager l’opinion des autres peuples, c’est naïveté pure : les peuples, comme les individus, donnent raison au vainqueur, au plus fort. L’Angleterre est-elle moins respectée des nations pour avoir toujours été la première à engager les hostilités ? Au contraire ! Et l’Espagne, en particulier, doit se souvenir des actes iniques, des agressions brutales par lesquelles le gouvernement britannique notifiait ses déclarations de guerre en 1739, en 1779, en 1797. Sans proposer à nos voisins de tels exemples, on peut s’étonner qu’ils n’aient pas suivi les conseils d’un général énergique et commencé la guerre en novembre ou décembre 1897, quand ils avaient déjà de si justes motifs de rupture. Les unités de combat sérieuses qu’ils avaient dès lors n’auraient trouvé devant elles qu’une division hétérogène, mal armée, plus mal approvisionnée, et, derrière cette division, des navires en essais, d’autres inachevés, quelques-uns en grosses réparations, faute d’un entretien convenable.

C’était le succès assuré, probable au moins, et cela valait d’être tenté.

Il eût été bon aussi, ayant conservé le bénéfice du sage refus d’adhérer à la convention de 1856, de se mettre en mesure de courir sus effectivement au commerce américain dès le début des hostilités. Il faut bien que les gouvernemens, que les amirautés se le persuadent : on fera toujours la guerre de course, ou, si l’on veut, la guerre de croisière. A qui s’y refuserait d’abord, l’opinion publique l’imposerait irrésistiblement. Donc, s’il faut la faire, du moins que ce soit avec toutes les chances de succès,