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l’Est en prenant pour objectif Puerto Rico d’abord (où elle peut, en passant, bombarder San-Juan), l’escadre espagnole ensuite, qu’elle guettera dans le sud-est des Bermudes, où ses éclaireurs se rencontreront avec ceux de l’escadre de l’Atlantique.

À cette menaçante concentration de forces, il semble que les Espagnols ne puissent répondre qu’en réunissant, eux aussi, les élémens un peu épars de leur flotte active. Le Pelayo doit avoir achevé tous ses préparatifs à Cadix ; le Carlos-V a pu sans doute quitter le Ferrol après s’être assuré du bon fonctionnement de ses tourelles de 28 centimètres ; le quatrième croiseur cuirassé du type Vizcaya, le Cardenal-Cisneros, termine ses essais, ainsi que le beau croiseur protégé Alfonso-XIII. Après eux viendront, à bref délai, espérons-le, le cinquième croiseur cuirassé Princesa-de-Asturias et le Lepanto, frère jumeau de l’Alfonso-XIII, sans parler de quelques nouveaux avisos-torpilleurs et torpilleurs de haute mer. Si, d’autre part, on a pu conclure à temps l’acquisition des deux grands paquebots de la Amerikan-Hamburgische-Gesellschaff, la Normania et la Colombia, navires à grande vitesse et déjà aménagés pour recevoir de l’artillerie, on aura en peu de jours une puissante force navale qui défiera tous les efforts de la flotte américaine, fût-elle grossie de l’Orégon.

Mais il faut se hâter, il faut des mesures de vigueur, auxquelles l’opinion inquiète et agitée reconnaîtra un gouvernement capable de conjurer de grands périls.


Est-il trop tôt pour tirer des événemens qui se déroulent sous nos yeux des enseignemens que démentirait peut-être une connaissance plus exacte des faits ?… Nous ne le pensons pas, et certains principes généraux, bien oubliés, semble-t-il, des belligérans, peuvent être remis en lumière dès maintenant, au grand profit de quelques-uns des spectateurs de ce triste conflit.

Nous ne dirons pas que, lorsqu’on veut garder ses colonies, il convient d’abord de les bien administrer, encore que l’énoncé de ce « truism » ne soit pas absolument superflu. Au moins pouvons-nous ajouter qu’il faut les bien défendre, les défendre avec tous les engins modernes, puisqu’elles seront attaquées avec des engins modernes, et que, de plus, si leur défense repose principalement sur les forces navales, celles-ci doivent trouver sur place l’outillage qui leur est nécessaire : bassins, ateliers, magasins.