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En somme, ce sont ces derniers qui allaient donner à la force navale espagnole sa caractéristique essentielle, comme le fait bien ressortir la comparaison avec la force navale américaine, où l’on ne compte que 2 de ces bâtimens, à côté de 11 cuirassés d’escadre. En 1887 le type général du croiseur cuirassé était encore l’objet de discussions confuses. Les Anglais avaient mis sur cales les 7 navires qui se groupent autour de l’Orlando, puis ils s’étaient arrêtés, inquiets de n’être pas suivis dans une voie où les Français auraient dû les précéder. Ceux-ci étudiaient timidement les plans du Dupuy-de-Lôme, toujours doutant de bien faire et toujours faisant bien, quand ils font du nouveau.

Qu’étaient donc ces croiseurs cuirassés espagnols, ou plutôt que sont-ils, aujourd’hui qu’ils entrent en ligne, ayant un peu perdu, avouons-le, par la lenteur de l’exécution, des bénéfices qui leur étaient assurés par la hardiesse de la conception ?

Six de ces bâtimens appartiennent au type Vizcaya, caractérisé par les données suivantes : 7 000 tonnes ; 20 nœuds de vitesse ; 1 200 tonnes de charbon ; 305 millimètres d’acier à la ceinture de flottaison, — ceinture partielle, comme celle du Brooklyn ; — 2 canons de 24 ou 28 centimètres, 10 de 14 centimètres, 18 pièces légères ; enfin de 5 à 8 tubes lance-torpilles.

Ce sont là, certes, de puissantes unités, suffisamment rapides, fort bien armées, peut-être même un peu chargées d’artillerie. Malheureusement il n’y en a que trois de prêtes (Vizcaya, Almirante-Oquendo, Infanta-Maria-Teresa) ; le cardenal- Cisneros s’achève, la Cataluña et la Princesa-de-Asturias sont assez en retard. L’argent a manqué, l’activité aussi, la persévérance, pour réaliser à point nommé le programme de 1887. Et quels regrets, maintenant !…

Le septième croiseur cuirassé, Emperador-Carlos-V, digne d’un si beau nom, a ceci de curieux que nombre de nomenclatures le rangent parmi les cuirassés d’escadre, honneur qu’il doit à son déplacement inusité de 9 300 tonnes beaucoup plus qu’au pour cent de son poids de cuirasse par rapport au poids total[1]. Les cuirassés d’escadre n’ont d’ailleurs pas accoutumé d’atteindre 20 nœuds, ni d’emporter dans leurs soutes 1 700 tonnes de combustible.

  1. Le croiseur espagnol est même assez faiblement blindé : 50 millimètres d’acier durci sur les flancs, 75 millimètres aux cloisons transversales, 50 millimètres sur le pont principal, mais 250 millimètres aux deux tourelles avant et arrière des canons de 28 centimètres.