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L’Espagne vit nettement alors que le péril n’était plus pour elle sur le continent européen, comme on avait longtemps réussi à le lui faire croire, et qu’il était essentiel d’entretenir une flotte suffisante pour faire respecter sur les mers lointaines ses droits historiques, pour se mettre en travers des convoitises brutales des chercheurs de colonies.

On mit en chantiers[1], à cette époque, un cuirassé d’escadre, le Pelayo, trois ou quatre croiseurs d’assez forte taille, Alfonso-XII, Reina Mercedes, etc., et un bon nombre, un trop grand nombre de croiseurs de station, de canonnières, d’avisos de rivière, en un mot de ces navires d’opérations exotiques dont le médiocre rendement militaire apparaît fâcheusement lorsqu’on se trouve engagé dans un conflit sérieux.

Bientôt, du reste, le Gouvernement espagnol sentait l’avantage d’établir un programme ferme pour la constitution de ses forces navales, et le 12 janvier 1887, la gazette officielle publiait une loi qui fixait définitivement de la manière suivante l’état du matériel flottant de la marine de guerre :

— 1° flotte nouvelle (navires en cours d’achèvement et navires à construire dans le délai de neuf ans) :
1 cuirassé d’escadre (Pelayo) ;
9 croiseurs cuirassés ou croiseurs de 1re classe ;
13 croiseurs protégés ou croiseurs de 2e et 3e classe ;
32 canonnières-torpilleurs ;
100 torpilleurs de 1re classe ;
50 torpilleurs de 2e classe ;
1 transport-atelier, ravitailleur de torpilleurs ;
20 chaloupes à vapeur pour services spéciaux.
— 2° flotte ancienne, ou flotte de 2e ligne :
2 cuirassés d’escadre (Vitoria et Numancia, du type français Couronne, navires que l’on se promettait de refondre) ;
22 croiseurs non protégés, de types et de déplacemens très divers ;
37 bâtimens auxiliaires (ports ou colonies).

Les grands croiseurs, protégés ou non, déjà en chantiers devaient figurer d’abord au nombre des croiseurs de 1re classe dans la flotte nouvelle, sauf à prendre rang parmi ceux de 2e classe au fur et à mesure de l’entrée en service des croiseurs cuirassés.

  1. A la Seyne, près Toulon.