Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Américains étaient bien convaincus que leur première guerre mettrait aux prises ces deux agiles coureurs avec la plus grande flotte commerciale du monde entier.

La Columbia, que suivit de près le Minneapolis, développa dans de brillans essais une vitesse de 22n, 8, inconnue jusque-là. Mais, moins d’un an après, revenant de Kiel, elle ne put exécuter la traversée de l’Atlantique qu’avec 18n, 5 de moyenne. Certain vice dans la distribution des soutes à charbon était la cause principale de ce mécompte, qui fut vivement commenté. Il y a lieu de croire qu’on y a porté remède. En tout cas, il ne faut pas perdre de vue, comme on le fait trop souvent en pareille matière, que le nombre est très restreint des paquebots qui peuvent traverser l’Atlantique avec une vitesse moyenne de plus de 18 nœuds. L’Angleterre n’en compte pas 20, sur plus de 8 000 vapeurs.

A quoi vont servir les deux grands corsaires de 8 000 tonnes, bien protégés, suffisamment armés, contre une marine marchande de quatrième ordre, contre des paquebots dont la capture ne généra en rien le ravitaillement de l’Espagne, pays continental ? — Sans doute à protéger la flotte commerciale des Etats-Unis eux-mêmes. Mais comment s’acquitteront-ils de cette tâche en présence d’un Carlos V qui leur opposera un flanc revêtu et des canons plus puissans ? Il faudra, évidemment, adjoindre au Columbia et au Minneapolis des unités plus robustes, des croiseurs blindés, un New-York et un Brooklyn.


Façade brillante, disions-nous tout à l’heure, trop tôt construite, trop tôt décorée, tandis qu’on négligeait le reste de l’édifice. Le lecteur doit être maintenant de notre avis. Faut-il donc, et avant même d’avoir examiné de près l’adversaire, conclure à l’avantage de celui-ci ? — Non. Outre que cet adversaire a, lui aussi, beaucoup à se reprocher, il est impossible de faire abstraction, dans l’étude des moyens d’action des deux belligérans, de certains facteurs dont l’action, pour n’être pas immédiate, n’en a pas moins une importance considérable, — ne disons pas encore décisive, — une importance qui doit grandir de plus en plus à mesure que le conflit se prolongera.

Ces facteurs sont ceux-là mêmes qui — aujourd’hui surtout, où les moyens d’action mis en jeu dans les guerres maritimes ont un caractère très marqué d’application des sciences et des arts industriels — constituent ce que nous appellerons la puissance