Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

début de ce que je lui demande respectueusement d’appeler notre amitié. Ce que j’ai vu et appris au Canada, c’est beaucoup grâce aux facilités qu’il m’a généreusement procurées. Chez lui et dans son entourage immédiat j’ai rencontré les personnalités les plus marquantes de cette province de Québec, française autant pour le moins que la France elle-même.

Je tiens à l’en remercier sous forme d’avant-propos, d’abord pour avoir le droit de lui dédier mes souvenirs et aussi pour n’être pas forcée de revenir à chaque instant, comme il le faudrait sans cela, sur ce que j’ai puisé dans le trésor toujours ouvert de ses renseignemens.


Ayant dit à M. Casgrain que je pensais continuer au Canada des études déjà commencées sur la condition des femmes en Amérique, il me donna cet excellent conseil : — Visitez d’abord les couvens.

Bien entendu, ce fut lui encore qui me fit pénétrer dans ces retraites closes, et, après examen attentif, je déclare qu’avec de grandes différences dans leurs moyens d’action et avec un but qui n’est certes pas le même, les Américaines du Canada ont exercé et exercent encore une influence sociale tout aussi grande que leurs sœurs des Etats-Unis ; mais les plus intéressantes d’entre elles sont assurément les religieuses. Le prestige qu’elles ont hérité de leurs grandes ancêtres spirituelles, le rôle actif que ces dernières jouèrent dans la fondation de la colonie, le pouvoir indiscuté qui en résulte pour les religieuses d’aujourd’hui et l’attitude particulière que leur donne le sentiment de cette force, les souvenirs émouvans, les glorieuses annales dont elles sont les gardiennes, le mélange dans les cloîtres comme ailleurs des deux nationalités anglaise et française, le voisinage de la liberté américaine proprement dite qui, — je l’avais déjà remarqué tant à Baltimore qu’à New-York, — ouvre de certaines fenêtres sur des horizons plus vastes que ne le comporte dans nos vieux pays l’état monastique, tout cela contribue à les placer très haut, même au point de vue purement humain. Je commencerai donc par une visite dans quelques couvens cette étude de la Canadienne.

A l’Hôtel-Dieu de Québec ce sera même autre chose qu’une visite, car j’y ai vécu, quittant, pour me rapprocher de la duchesse d’Aiguillon et de ses protégées, les splendeurs du château Frontenac, l’une des plus magnifiques auberges qui soient au monde.