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LES FEMMES DU CANADA FRANÇAIS

I
ÉTABLISSEMENS DE CHARITÉ

Avant de commencer à mettre en ordre les impressions que j’ai rapportées pêle-mêle du Canada, je voudrais dire comment il m’a été donné de les recueillir, comment j’ai pu voir et comprendre très vite beaucoup de choses en appuyant mes observations, nécessairement superficielles, sur des connaissances historiques que je n’avais certes pas avant de quitter Paris. Ce fut une bonne fortune inattendue qui me fit rencontrer l’un des représentans les plus distingués de l’Amérique française en la personne de M. l’abbé Casgrain. Nous venions de nous embarquer sur la Champagne, nous n’avions pas encore quitté le Havre, quand, au milieu d’un nombre de passagers moins considérable que si le jour du départ n’eût pas été le 13, cette haute figure de prêtre qui arpentait le pont à grands pas déterminés, tout en causant avec un ami, fixa mon attention. Je dis prêtre, quoique mon compagnon de traversée portât l’habit civil, mais il y a je ne sais quoi qui trahit l’état ecclésiastique même chez un voyageur de profession comme l’est l’abbé Casgrain ; lequel, entamait bravement sa trentième traversée. Ce pèlerin annuel aux pays d’Europe, ce passionné pêcheur de saumon, héritier de l’étonnante activité physique de sa race, est pourvu d’une activité d’esprit au moins égale. Il parlait avec animation en soulignant par des gestes expressifs un français plus