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extérieure s’exerçait en sens inverse du mouvement dont il était devenu inopinément la personnification.

Cependant, notre état d’esprit autant que les circonstances nous rendaient forts, et ce ne fut pas seulement à l’étranger qu’on prit conscience de la puissance militaire du pays. A la suite du voyage dans l’Est, le roi et ses ministres, confians dans nos forces, décidèrent la campagne de Belgique, même si l’on devait se mesurer avec les troupes prussiennes que Frédéric-Guillaume IV menaçait d’envoyer contre nous si nous passions la frontière.

Quoique Marbot, souffrant de la fièvre, n’accompagnât pas le Duc d’Orléans, j’ai su plus tard par lui combien le prince royal avait contribué à cette décision. Le prince aurait même voulu aller beaucoup plus loin. Profitant de la présence du roi de Wurtemberg, du grand-duc de Bade et des petits princes de la Confédération germanique venus pour saluer le roi à Strasbourg, il aurait songé à rétablir sur de nouvelles bases la Confédération germanique. Dans cette organisation politique, la France aurait pris une situation prépondérante entre la Prusse et l’Autriche. Mais le prince était plus audacieux que son père ; il ne convenait pas à Louis-Philippe d’aller si loin. Les choses en restèrent là.

Tandis que le roi quittait Metz, nous, nous regagnions nos cantonnemens entre la Moselle et Longwy où nous passâmes l’hiver de 1831 à 1832, cherchant à nous garantir de notre mieux des intempéries. Enfin, l’orage qui menaçait sur cette frontière s’étant dissipé, on rompit le cordon sanitaire, et mon régiment dut aller occuper les Vosges.

Au mois de mai, j’étais avec mon bataillon dans une délicieuse petite ville, qui a sans doute emprunté à sa ravissante situation le nom de Charmes : je commençais à beaucoup m’y plaire, lorsque le choléra y fit son apparition. Dire la terreur des habitans serait difficile : nous leur donnions cependant l’exemple du calme en allant voir journellement à l’hôpital les bourgeois aussi bien que les soldats atteints du fléau. Un soir, après une de ces visites quotidiennes, dans laquelle j’accompagnais mon chef de bataillon, je me sentis pris par les symptômes du mal ; mais me raidissant contre lui, je me souvins de la manière dont les Tarentins se guérissaient de la fièvre, et mettant sur moi mes vêtemens et les couvertures de mon lit, je me livrai dans ma chambré à des exercices gymnastiques violens. Au bout de deux heures, j’étais harassé et tout en nage,