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L’Aînée a été excellemment jouée par MM. Boisselot, Mayer, Lérand, Numès, Gauthier, et par MMmes Samary, Yahne, Dallet, Després. J’ajoute MMlles Paule Evian, Bernou, Damis et MM. Lemanne, Lamotte, Mauger et Niverd, agréables dans les petits rôles. Je me contente, selon mon habitude en pareil cas, de remercier mes interprètes tous ensemble. Je détache seulement de la liste, parce qu’elle est une débutante, Mlle Suzanne Després, sincère et touchante dans le rôle de Lia, et qui est déjà une remarquable comédienne.


Les Comédiens Français ont préféré la Martyre au Chemineau : cela devait être.

Il serait puéril de s’étonner que le poète des Blasphèmes ait écrit la Martyre. J’ai dit plusieurs fois que les thèmes lui sont indifférens, et qu’il est principalement un sonore et magnifique « discoureur de lieux communs » (j’entends que ceci ne soit pas un médiocre éloge). — D’ailleurs les passages où s’exprime, dans son drame, le naturalisme païen sont autrement chauds que ceux où se traduit l’idée chrétienne. Et enfin la Martyre est une « latinerie » beaucoup plus qu’un drame chrétien. C’est par ses épisodes, par ses croquis fragmentaires de l’extérieur de la vie romaine que l’œuvre nous amuse et nous retient. La « couleur locale », froide et fâcheuse dans certains ouvrages du même ordre, est ici très belle de vigueur et d’éclat. Cela fait encore penser, sans doute, au genre un peu artificiel dont les Impressions d’un jeune Gaulois à Rome sont un des pénibles et estimables monumens. Mais la Martyre est, dans ses bons endroits, du Dezobry flamboyant, si je puis dire.

Voici, au premier acte, Glaucus, poète décadent et déliquescent, qui donne, en termes suavement subtils, ses instructions à un orchestre de citharistes, de tibicines et de joueurs de cor. Voici le cuisinier Bdella, qui disserte sur son art, — ingénieux jusqu’à découvrir une rime à « triomphe », et c’est « pulpe de somphe » — et qui apporte pompeusement à sa maîtresse le produit suprême de son génie : le gâteau dit « artologanus ». C’est ensuite un barnum persan, Sphoragmas, qui présente ses dernières acquisitions : la Scythe Thomrys, montreuse d’ours, un nain nègre mangeur de serpens, le Samnite Latro, gladiateur ambidextre, — et deux prêtres chrétiens.

Puis, c’est une popine dans le quartier de Suburre, où l’on mange de la garbure et des ffitons, et où l’on boit de la piquette sabine ; c’est le cabaretier Congrio et sa femme Psyllium ; un chrétien lépreux, un chrétien cul-de-jatte, un chrétien descendant de Catilina, un chrétien