Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le monde végétal a accumulée. Elle va plus loin que les règnes vivans et jusqu’au milieu cosmique : elle montre comment le monde végétal tire lui-même son activité de l’énergie rayonnée par le soleil et comment les animaux la restituent enfin en chaleur dissipée. L’harmonie des deux règnes, elle l’étend à toute la nature. Elle fait de l’univers tout entier un système lié.

A un point de vue plus restreint, et pour n’envisager que le seul domaine de la physiologie animale, les lois de l’énergétique font bien comprendre le rôle et les principes généraux de l’alimentation. L’aliment est essentiellement une source d’énergie : il n’est qu’accessoirement une source de chaleur. On enseigne précisément le contraire dans la plupart de nos écoles médicales ; et cette erreur, qui d’ailleurs n’a aucune conséquence au point de vue de la pratique, en a au contraire de grandes au point de vue de la doctrine. L’énergie que l’aliment apporte à l’animal est l’énergie potentielle chimique qu’il possède de par sa constitution complexe. C’est cette nécessité d’user de substances alimentaires très élevées dans l’échelle de la complication chimique, qui asservit l’animal au végétal, seul capable de produire de telles synthèses. Le fonctionnement animal libère une partie de l’énergie potentielle que la plante avait formée. La chimie permet de calculer la quantité d’énergie que l’aliment dégage ainsi. En appliquant le principe de l’état initial et de l’état final de Berthelot et en utilisant les tables numériques que cet éminent chimiste a établies avec une patience admirable, on obtient en calories la quantité d’énergie que l’aliment dépose dans l’organisme : on connaît son pouvoir dynamogène ou calorifique.

Cette énergie, dont on sait maintenant pour chaque catégorie d’alimens l’exacte valeur, on en sait aussi l’usage, d’après le troisième principe. Elle est destinée à se transformer suivant deux types possibles. Dans le type normal, elle se mue en énergies vitales (travail physiologique de Chauveau) ; et celles-ci aboutissent elles-mêmes soit à l’énergie mécanique (mouvement des muscles), soit à l’énergie thermique (chaleur qui se dissipera au dehors). L’aliment, dans ce cas, a rempli son office. Il a servi au fonctionnement vital : il a été dynamogène ou bio-thermogène.

En second lieu, l’évolution de l’aliment peut suivre un type aberrant, presque anormal. Il peut arriver en effet, qu’en vertu de sa nature chimique, et pour des raisons qu’on commence à pénétrer, cet aliment, en se détruisant, libère une énergie que