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nom de théorie cinétique. La mécanique des atomes pondérables ou impondérables contient l’explication de toute phénoménalité ; qu’il s’agisse de propriétés physiques ou de manifestations vitales, le monde objectif ne nous offre, en dernière analyse, que des mouvemens : tout phénomène s’exprime par une intégrale atomistique, et c’est là la raison intime de cette unité majestueuse qui règne dans la physique moderne. Les forces qui sont mises en jeu par la vie ne se distinguent plus, à ce degré ultime de l’analyse, des autres forces naturelles ; tout se confond dans la mécanique moléculaire.

Sans contester la valeur philosophique de cette doctrine, qui d’ailleurs a justifié son empire sur les sciences physiques par les découvertes qu’elle y a provoquées, on peut cependant faire observer qu’elle n’a été à peu près d’aucun secours à la biologie. Précisément parce qu’elle descend trop profondément au fond des choses et qu’elle les analyse à outrance, elle cesse de les éclairer. Il y a trop loin de l’atome hypothétique au fait apparent et concret pour que celui-ci puisse rendre compte de celui-là ; le phénomène vital s’évanouit avec sa physionomie propre ; on n’en aperçoit plus, on n’en saisit plus les traits spécifiques ni universels. Au contraire, la théorie de l’énergie conduit à une conception tout aussi générale, mais en même temps plus sûre, plus compréhensive, et assez près de la réalité pour se traduire dans des faits et s’y retremper sans cesse. Son introduction en biologie date à peine d’hier, et déjà elle y a pris une place considérable et rendu de grands services. Elle a inspiré des recherches pleines d’intérêt, elle a renouvelé l’aspect de quelques parties de la physiologie. Elle commence à pénétrer dans le haut enseignement de quelques universités en Allemagne, en Amérique, et en France même. M. Chauveau est, chez nous, le représentant le plus éminent de ces tendances nouvelles ; ses travaux et ceux de ses élèves forment la contribution la plus importante qui ait été apportée (de notre temps) à la constitution de l’Energétique physiologique.


II

La doctrine de l’énergie a été conçue en physiologie avant de passer en physique et d’y faire la merveilleuse fortune que l’on sait. Robert Mayer était un naturaliste et un médecin ; Helmholtz était physiologiste autant que physicien. L’un et l’autre avaient