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merveilleux succès : le roi de Noupé acceptait, disait-elle, son protectorat, et celui de Gando vendait les rives du fleuve du Noupé à Boussa et à Say ; elle lui payait en réalité un tribut annuel. L’Allemagne y prit si peu garde que Döring signa en 1894 avec le Gando un traité de protectorat auquel l’Allemagne n’a jamais renoncé pour la rive gauche. Mais en 1885, elle s’occupait peu de ses colonies, et traita ; elle ne comprenait pas encore que l’Angleterre est une rivale autrement dangereuse que la France. Des considérations d’historiens universitaires sur les races germaniques, la communauté de religion officielle, des alliances de famille unissaient encore ces deux pays dont les intérêts allaient pourtant diverger. Aussi les géographes allemands étendaient-ils sur leurs cartes les couleurs anglaises sur les rives du Niger jusqu’à Bourroum. L’oasis d’Air, en plein Sahara, était aussi amicalement teintée. La compagnie multipliait les voyages de ses agens blancs ou nègres, car elle en employait, affublés des plus beaux noms, Byron, Macaulay, par exemple[1]. La France avançait alors péniblement du Sénégal au Niger, et n’annonçait au monde que des conquêtes effectives.

La prise de Zanzibar par l’Angleterre en 1890, l’accord anglo-allemand qui suivit, amenèrent la Fiance à protester, puis à traiter avec l’Angleterre. C’est la célèbre et néfaste convention du 5 août 1890. Par elle la France était reconnue à Madagascar, l’Angleterre à Zanzibar. Les deux pays s’accordent en outre à propos du Soudan :


Le gouvernement de Sa Majesté britannique reconnaît la zone d’influence de la France au sud de ses possessions méditerranéennes jusqu’à une ligne de Say sur le Niger, à Barroua sur le lac Tchad, tracée de façon à comprendre dans la zone d’action de la compagnie du Niger tout ce qui appartient équitablement au royaume de Sokoto, la ligne restant à délimiter par des commissaires à désigner.


Bien des Français s’émeuvent : sans être géographes, ils tiennent le Sahara pour un désert, et s’étonnent que la nouvelle frontière ne nous fasse que ce cadeau. Interpellé à la Chambre par M. de Lamarzelle, M. Ribot, notre ministre, répond :

  1. Ils laissaient aux chefs indigènes des remerciemens écrits pour les bons traitemens qu’ils avaient reçus d’eux ; le roi y mettait une croix et c’était en réalité une déclaration de vassalité qu’on lui faisait signer et garder pour l’exhiber aux futurs explorateurs européens !