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limite que la convention de 1897 a seule modifiée. Conquis en 1893-94, le Dahomey, enfermé de part et d’autre jusqu’au 9e parallèle, ne pouvait s’étendre qu’au nord vers le Soudan français et vers le Niger. C’est de ce dernier côté que la France et l’Angleterre sont en conflit pacifique.

Dès 1851, les Anglais occupaient Lagos ; dès 1861, toute la côte voisine. Leurs trois compagnies, établies sur le bas Niger en 1858, se fondent, en 1879, en United African C° (capital 250 000 £) qui devient, en 1880, la National African C° limited (capital 1 000 000 £) et, le 1er juin 1886, Royal Niger C° Chartered. Sa charte l’investit de droits presque souverains : battre monnaie, lever des taxes, avoir des troupes, des tribunaux, légiférer, signer des traités, le tout sous l’assentiment du sous-secrétaire d’Etat des colonies. Mais les monopoles commerciaux lui sont interdits. C’est un État souverain pour prendre et attaquer ; une simple compagnie de commerce, prudemment retranchée derrière l’Angleterre, si on lui demande explications ou indemnités.

Des Français avaient voulu résister à cet accaparement. La Compagnie française de l’Afrique équatoriale, fondée en 1880, avait, à la fin de 1883, 32 comptoirs, quand la compagnie anglaise n’en avait que 31. Nous remontions plus haut qu’elle : sur le Niger à Chougga, sur la Bénoué à Ibi. Les bénéfices des Européens étaient alors de 200 pour 100 brut, de 60 pour 100 net ; on n’avait pas encore l’habitude de payer aux nègres pour une journée de travail de quoi vivre une quinzaine.

Mais la compagnie anglaise trouvait des appuis dans son gouvernement, dans la Société de Géographie de Londres, présidée, elle aussi, par lord Aberdare, dans l’opinion publique enfin. La compagnie française n’était soutenue par personne. Le Tonkin, Madagascar, Tunis, le Niger, c’était trop d’affaires ! L’expansion coloniale ayant alors peu de partisans, Jules Ferry crut devoir choisir et ne pas multiplier les conflits. La compagnie n’obtint rien. Malgré l’énergie de son représentant, le commandant Mattéi, elle vendit aux Anglais factoreries, matériel, marchandises. C’est en 1885 que nous nous retirions ; c’est en 1884 que les Allemands étaient arrivés avec Nachtigal dans la baie de Cameroun.

A la même époque, le Congrès de Berlin décréta la liberté du commerce et de la navigation sur le Congo, le Niger et leurs affluens. Aucun droit n’y serait perçu, sauf pour couvrir les frais