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connaissent, et modifient par nos conseils. Un Européen peut donc les diriger et tenter là de grandes exploitations.

Les plantes oléagineuses sont représentées par l’arachide, qui fait la richesse du Sénégal, le palmier à huile, sur toutes les côtes et loin dans les vallées, et dont l’exportation annuelle vaut plusieurs dizaines de millions ; le pourghèse, le cotonnier enfin. Le Soudan, la Guinée surtout, est comme une gigantesque éponge d’où l’huile sort à flots, au moindre effort.

La gomme vient de la lisière du désert, région admirablement desservie par le Sénégal et le Niger ; plusieurs plantes la fournissent, tantôt dure et grossière, tantôt fine et claire comme la gomme arabique. De 1895 à 1896, l’exportation par le Sénégal a triplé.

Nous voilà loin des tristes appréciations d’il y a quinze ans ! Que de produits ignorés alors s’exportent aujourd’hui par millions ! et que de richesses encore cachées !

Prodigue en végétaux, le Soudan l’est bien moins en animaux. Ne citons que pour mémoire les fourrures : quelques singes sur la Côte d’Ivoire, de rares félins de grande taille, c’est tout. De nombreux éléphans existent encore vers le haut Niger ; mais la chasse est acharnée et nous ne savons pas encore domestiquer l’animal. L’hippopotame, qui pullule, donne un ivoire de qualité inférieure. Les cours d’eau sont fréquentés par d’innombrables oiseaux à beau plumage : grues, aigrettes, ibis, marabouts, etc. L’autruche abonde au nord, et nos officiers ont créé plusieurs autrucheries. Mais nos races européennes sont aussi représentées. Malgré de terribles épizooties, le bœuf est assez répandu ; il est partout où vit le Peuhl, peuple de pasteurs. Aucune sélection, aucun soin d’ailleurs pour améliorer cette race, non plus que les autres domestiques. En beaucoup de régions on n’apprécie ni le lait ni le beurre[1]. Le mouton, plus apprécié comme chair, compte plusieurs races ; celle du Macina seule porte une toison épaisse et fine. Depuis notre arrivée, l’élevage de cet animal s’est beaucoup accru, surtout chez les Maures, qui amènent à nos postes du

  1. En pays bariba, M. Toutée signale des habitudes « pasteuriennes » que nous n’oserions pas demander à nos fermières : avant de traire, les femmes se lavent les mains à l’eau chaude ainsi que les pis de la vache, passent à l’eau bouillante la calebasse qu’elles emplissent, en enduisent chaque jour le bord d’un lait de chaux et la couvrent d’une natte fine qui la préserve de toute poussière et maintient le lait frais tout le jour.