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aujourd’hui, voilà les trois phases par où a passé le Soudan. A coup sûr, il vaut moins que l’Indo-Chine, riche en houille, en métaux, très bien arrosée, exubérante de végétation, habitée par une population nombreuse, docile et intelligente. Mais il est bien plus près, et ses ressources déjà connues ne sont pas méprisables.

Sur cet immense plateau de granité et de grès, on peut craindre de ne pas trouver les riches filons de l’Asie Orientale ; à l’ouest seul, il semble avoir été disloqué. Là surtout, et aussi jusqu’à la Volta blanche à l’est, se trouvent des terrains aurifères. Sans croire à des gisemens analogues à ceux de Californie, d’Australie, tenons-les pour sérieux dès à présent. Le fer est partout ; au haut Dahomey, il abonde, à fleur de sol, excellent. Les Bambaras, depuis longtemps, savent le travailler ; leur habileté va jusqu’à fabriquer, sans direction européenne, grossièrement il est vrai, des fusils kropatschek. L’argent est presque inconnu au Soudan, le cuivre au moins très rare ; son importation croissante le montre. On en signale toutefois, ainsi que du mercure, vers le haut Sénégal. Dienné aurait de l’antimoine. Que nous révéleront les explorations méthodiques ?

La mer n’ayant guère couvert ces immenses plateaux, le calcaire en semble absent : pour construire les postes du Niger, on en fut réduit aux bancs d’huîtres du fleuve. Mais de nombreux gisemens ont été signalés depuis peu dans le haut Sénégal : marbre, calcaire hydraulique, pierre à ciment. Le sel provient uniquement du Sahara et, sur la côte, il est importé d’Angleterre.

Le Soudan contient-il de la houille ? On l’ignore, mais son passé géologique permet de l’espérer. Les chutes d’eau, d’ailleurs, innombrables, puissantes, la remplaceront au besoin, et quel progrès si nous pouvions éviter au Soudan l’âge noir ! Extraire, loin du jour et de l’air, une substance épuisable et dont l’emploi vicie l’atmosphère, semblera au siècle prochain de la barbarie ; et la divinisation de la houille par le nôtre le fera mépriser, quand l’énergie ne viendra plus que des chutes, des marées, et des vents.

Quoi qu’il advienne, le Soudan aura tôt besoin de force pour ouvrer ses richesses végétales. Les bois d’abord, sur la pente du plateau, où la forêt tropicale s’allonge de la Gambie au Niger sur 2 500 kil. environ, avec 90 à 300 kil. de large, autant dire sur une surface égale à la France. Charpente et ébénisterie y trouvent toutes les essences souhaitables, tendres, dures, résistantes aux