verra trop, par l’analyse des Messagers du printemps, que leur auteur n’a pas fait œuvre de réaliste. Son drame est du domaine des rêves, comme nous l’avons dit, mais de ces rêves qui orientent la réalité, et qui ont une influence sur l’état de veille.
Le début du premier acte nous fait pénétrer dans une famille d’ouvriers aisés, comme on en rencontre plus souvent en Angleterre qu’en Allemagne : elle offre le modèle de toutes les vertus. Le père, Joseph Streng, — en français, droit, rigide, — est chimiste dans la fabrique de tapis Freeman, à Dornenau, dans la région du Rhin. Le propriétaire de cette industrie était un Anglais, qui vient de mourir, laissant deux héritiers, sa femme, et un fils d’un premier mariage, le jeune Harold Freeman.
Nous trouvons d’abord en scène la fille du chimiste, Flora Streng, une jeune institutrice, qui est l’exemple et la providence de la petite ville industrielle. Née le premier mai, elle porte le surnom gracieux de Clochette de Mai (c’est le nom allemand du muguet), et symbolise la fête du prolétariat ainsi que les espérances des ouvriers socialistes, qui l’entourent. — Elle cause au lever du rideau avec son plus jeune frère, Otto, un collégien. L’enfant se plaint d’être contraint d’apprendre par cœur des chiffres de statistique. — « Depuis quand, dit sa sœur, vous tourmente-t-on de ces sottises ? — Depuis peu, répond l’écolier. Le professeur Schalk dit que c’est là le meilleur moyen de combattre la bêtise et l’impudence des masses. » Et il montre à sa sœur un problème qu’on lui a donné à résoudre. Il s’agit de calculer par tête et par famille de cinq personnes, le revenu moyen dans leur canton, qui a 147 000 habitans, et un revenu total de 80 millions de marks. Otto a bien vite trouvé que cela fait par tête environ 544 marks de revenu, et par famille, 2 751 marks. Mais il remarque aussi que c’est à peine si une famille sur cinq, possède ce revenu dans le pays. Et sa sœur de lui expliquer que ce chiffre ne représente pas ce que chaque famille possède, mais ce qu’elle pourrait posséder si les revenus étaient égaux. « Ne serait-il pas mieux, reprend Otto d’apprendre ce que chacun possède, au lieu de savoir ce qu’il ne possède pas ? — Certes, dit Flora, mais, cela, tu l’apprendras vite à l’école de la vie. »
Tous deux poursuivent des raisonnemens analogues à propos d’un second problème de statistique, celui de l’âge moyen qu’on atteint dans le canton. Et, après y avoir réfléchi ensemble, ils