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de travail et est occupé à des travaux de menuiserie, d’ébénisterie et de blanchisserie. La supérieure de cette maison de travail a créé en outre une œuvre admirable ; elle donne du travail à domicile aux mères de famille ; elle en a donné à 747 mères de famille qui ont reçu en salaire 42 574 francs. Cette œuvre, qui fait tant de bien, pourrait en faire davantage, si l’Etat et la Ville de Paris lui venaient en aide, comme ils devraient le faire, par de larges subventions. N’est-il pas triste de penser qu’avec un budget colossal l’État, qui nourrit des milliers de fonctionnaires inutiles[1], qui dépense à des travaux et à des expéditions d’une utilité douteuse des sommes considérables, ne sait pas trouver quelques milliers de francs pour aider les maisons d’assistance par le travail qui préservent du désespoir tant d’ouvriers manquant de travail ? On devrait donner, à titre de subvention aux ateliers d’assistance par le travail, la moitié des sommes dont disposent les bureaux de bienfaisance. Les ouvriers les plus dignes n’osent pas par fierté s’adresser aux bureaux de bienfaisance, à peine s’ils osent demander des bons de travail, car il leur semble que c’est une forme de la mendicité dont ils ont horreur. Ce sont souvent les ouvriers les moins méritans qui obtiennent par des sollicitations réitérées ou des recommandations politiques les secours des bureaux de bienfaisance, dont ils font un mauvais usage. En donnant du travail, au lieu d’un secours en argent, on ferait un triage entre les malheureux qui veulent vivre de mendicité et ceux qui veulent travailler.

Pourquoi aussi laisser sur le pavé de Paris des épileptiques indigens qui veulent se placer, mais qui sont toujours renvoyés et qui finissent de désespoir par se suicider ? Pourquoi n’y a-t-il pas à Paris un asile spécial pour les épileptiques non aliénés ? pourquoi confondre ceux qui sont recueillis avec les aliénés de Bicêtre et de la Salpêtrière ? Pourquoi ne pas faire pour eux ce qui a été fait pour les aveugles et les sourds-muets ?

Pourquoi ne trouve-t-on pas à Paris d’œuvre analogue à celle que l’abbé Rambaud a fondée à Lyon pour donner le logement aux vieux ouvriers ? On a vu combien sont fréquens les suicides, au moment de payer le terme de loyer. De toutes les charges qui pèsent sur une famille d’ouvriers, la plus lourde est celle du paiement du loyer ; elle est écrasante pour les ouvriers âgés ; gagnant à peine de quoi subvenir à leur nourriture et à

  1. Le nombre des fonctionnaires, qui était de 271 000 en 1858, s’est élevé à 400 000 en 1896.