Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

civilement avec les cheveux de ma mère qui sont à côté de moi/. »

La situation des épileptiques est plus navrante encore que celle des phtisiques ; pour se placer, ils cachent leur maladie, mais bientôt la crise éclate, et le patron ne voulant pas chez lui un épileptique le renvoie. Le malheureux, après bien des efforts, se replace une deuxième fois, espérant toujours qu’il rencontrera un patron qui lui pardonnera son infirmité ; le patron, dès qu’il la connaît, le renvoie de nouveau. Toujours désireux de travailler, le malheureux épileptique se replace une troisième fois, une quatrième fois. A la suite de renvois successifs, découragé, désespéré il se délivre de ta vie. Parmi ces cas de suicides, j’ai noté celui d’une jeune fille âgée de dix-huit ans, qui, ayant été renvoyée plusieurs fois des maisons où elle était placée, à la suite de crises d’épilepsie, se jeta de désespoir par la fenêtre.

La situation de l’ouvrier blessé dans son travail, congédié par son patron, à cause de sa blessure, et ne pouvant obtenir d’indemnité est aussi triste que celle de l’ouvrier épileptique ou phtisique. Après seize ans de discussion, les Chambres viennent enfin de voter une loi pour venir à son secours. Avant cette loi, dans bien des cas, l’ouvrier blessé, devenu impropre à tout travail, ne pouvant obtenir d’indemnité, tombait dans une affreuse misère et se tuait souvent de désespoir. Quelques patrons sont humains et conservent les ouvriers qu’un accident a rendus moins propres au travail. D’autres les congédient. J’ai observé plusieurs suicides d’ouvriers ainsi jetés sur le pavé. Le 28 octobre 1897, un garçon de magasin, blessé par la chute d’un lustre, est renvoyé parce qu’il ne pouvait se servir de son bras ; très affecté de ce renvoi, ayant cherché du travail pendant quatre mois, sans en trouver, il se tue. Un autre ouvrier, ayant été brûlé dans une explosion de mine, est congédié par son patron et va se pendre. Un ouvrier marié, père de quatre enfans, après avoir travaillé onze ans pour le même patron, devient moins propre au travail et est congédié ; désespéré, il demande à reprendre son travail ; pendant plusieurs jours on le voit rôder autour de l’atelier où il voudrait rentrer ; un jour, il y pénètre, se dirige vers l’escalier et se précipite de la fenêtre, après avoir écrit à son patron la lettre suivante : « Depuis les onze ans que je suis à votre service, je vous jure que je vous ai servi loyalement. Je vous recommande ma femme et ma petite fille. »

On s’effraye avec raison de la diminution des naissances, des