Et envoyer Sicard avec des instructions sur Saint-Malo et Laval. Seul moyen de s’assurer de la confiance qu’on doit à Morillon, car :
Ou l’affaire existe : il lui faut de grands moyens et une grande confiance ;
Ou elle n’existe pas, et alors…
Ce qui signifie, si nous comprenons bien ces trop succinctes recommandations, qu’il faut amuser Lalligand-Morillon jusqu’au retour de Chévetel : ils inspirent, l’un et l’autre, si peu de confiance à ceux qui les emploient qu’on en arrive à se demander si l’affaire de Bretagne existe autrement que dans l’imagination des deux compères ; en attendant qu’on soit fixé sur ce point délicat, on expédiera en Bretagne Sicard, espion de profession, pour surveiller Lalligand, espion amateur.
Sicard n’était pas le premier venu ; originaire de Toulouse, soldat pendant cinq ans au régiment de royal-dragons, puis employé au comité d’aliénation de l’Assemblée nationale, il fut attaché au ministère des affaires étrangères en mars 1792. D’abord secrétaire de la légation de Mayence, il venait d’être chargé d’une mission secrète à Genève, lorsqu’on le proposa pour suivre les menées louches de Lalligand-Morillon. Il ne nous semble pas qu’il accepta ces fonctions, car les dossiers ne contiennent aucune lettre de lui datée de cette époque et, dès novembre, on le voit en Pologne et en Bohême, espionnant la marche de l’armée russe : arrêté à Prague, il fut emprisonné au Spielberg, et reconduit à la frontière : nous le retrouverons dans d’autres circonstances.
Lalligand-Morillon, persuadé qu’il passait pour indispensable, courait de Bennes à Laval, de Laval à Saint-Malo.
Il vient un jour sonner à la porte du château de la Fosse-Ingant et se présente à Desilles, dans l’espoir de surprendre quelque secret : il se fait passer pour un ancien officier royaliste blessé en défendant les Tuileries au 10 août. Desilles resta froid et ne se livra point ; mais il indiqua au faux proscrit un moyen sûr de gagner les îles anglaises, facilité dont l’espion profita, non point pour lui-même, mais pour Burthe qu’il retira des prisons de Laval et qu’il envoya à Jersey. L’expédition ne donna d’ailleurs aucun résultat : Burthe, dont la nullité était parfaite, ne rapporta de Saint-Hélier qu’un renseignement : il y avait appris que les royalistes de Paris achetaient chaque jour cent livres de pain pour les jeter dans les latrines et, de cette façon, faire naître la famine ! Ainsi prit fin la première mission de