Avons-nous besoin de dire que, dès le début de la guerre, le jeune Osberne se conduisit en héros, qu’il ffit même prisonnier le baron de Deepdale, et que sir Medard, victorieux grâce à lui, mit tout en œuvre pour se l’attacher ? Mais il avait hâte de revoir Elfhilde ; et, la guerre achevée, ni offres ni promesses ne purent le retenir. Sa bien-aimée l’attendait, au sommet de la Colline Coupée. Tous les jours elle y était venue depuis son départ ; et bien que le bruit de ses exploits fût, à mainte reprise, parvenu jusqu’à elle, elle avait tant pleuré qu’il eut d’abord quelque peine à la reconnaître. Ils pleurèrent encore, en se revoyant, et se dirent mille choses d’une naïve douceur. Puis Osberne se tut, et contempla Ellhilde avec mélancolie. « Si je me sens le cœur tout rempli de tristesse, dit-il enfin, c’est parce que je t’aime, et parce que tu es maintenant devenue une femme, et parce que je te vois si belle et si aimable, et parce que j’ai peur pour toi et pour moi. Car voici que je désire plus que je ne puis avoir, puisque notre séparation ne finira jamais : et je crains même que ce que j’ai ne me soit enlevé. »
Ce sombre pressentiment n’était que trop fondé. Quelque temps après le retour d’Osberne, une troupe de brigands s’abattit sur le village où demeurait Elfhilde : et le jeune homme eut beau en tueries trois quarts, à coups de flèches, par-dessus le fleuve, il ne put empêcher leur chef de s’emparer de la jeune fille, pour aller la vendre dans quelque lointaine contrée. Longtemps il pleura et se désespéra, sur la colline, mêlant ses soupirs aux cris plaintifs des moutons de sa bien-aimée. Mais quand il comprit enfin qu’Elfhilde lui était ravie, il dit adieu de nouveau à ses grands parens, et se mit en route par le vaste monde, résolu à ne point s’arrêter qu’il ne l’eût retrouvée.
Il la chercha cinq ans, durant lesquels les aventures, comme on pense, ne lui manquèrent point. Innombrables furent les méchans qu’il défit, et les bons qu’il tira du danger. Il allait à travers les forêts et les marécages, l’âme toujours en peine, ne se reposant de ses luttes que pour chanter Elfhilde ou pour la pleurer. Il s’était engagé au service d’un puissant baron, sir Godrick, qui avait entrepris de rétablir la justice parmi les hommes, ce qui ne laissait pas de lui donner fort à faire. Et mainte fois, au cours de ses expéditions, il avait eu l’occasion de constater que le Sundering Flood n’était pas aussi infranchissable qu’on le croyait dans sa vallée natale : mainte fois même, il l’avait franchi ; mais, ni sur l’une ni sur l’autre rive, personne n’avait pu le renseigner sur Elfhilde.
Un jour enfin, comme il errait dans un bois, à peine remis de la blessure que lui avaient faite, par traîtrise, de lâches brigands, il