M. Zola, comme d’ordinaire, a ici suffisamment démarqué, déguisé, généralisé les siens. Mais je songe au portrait qu’il nous a tracé du jeune Hyacinthe Duvillard, « tour à tour collectiviste, individualiste, anarchiste, pessimiste, symboliste, même sodomiste, sans cesser d’être catholique, par suprême bon ton ; au fond simplement vide et un peu sot » ; je songe aux mœurs qu’il lui a prêtées ; et je trouve que cette façon de se venger d’une jeunesse qui n’admire point assez à son gré l’auteur des Trois Villes et des Rougon-Macquart est d’un goût au moins douteux. Les symbolistes ayant jugé naguère que le naturalisme de M. Zola tournait à la grossièreté, non seulement M. Zola ne les a pas compris ; n’a point ouvert les yeux ; ne s’est pas demandé « s’il ne bouchait pas de la masse épaisse de sa rhétorique » le chemin de la jeunesse ; n’a pas admis, même un instant, qu’il y eût après lui quelque chose encore à faire ; mais il n’a pas craint de prêter à ses adversaires littéraires des vices franchement ignobles, et, ce qui est certes diffamatoire au premier chef, il s’efforce aujourd’hui de déshonorer leur littérature en incriminant leurs mœurs ! Telle est sa délicatesse ! et telle sa manière d’entendre « la justice » ! Il a le droit, lui, Zola, de tout dire, et on ne saurait le contredire à moins d’être un imbécile ou un drôle.
Mais s’il manque ainsi de « charité », ne manque-t-il pas peut-être aussi d’intelligence ? Visiblement, dans les Trois Villes, il a fait un effort, — et il faut lui en savoir gré, — pour essayer de comprendre une foule de choses qui lui étaient demeurées jusqu’alors assez étrangères. Il ne semble pas qu’il y ait réussi. Dans sa course rapide à travers les doctrines, il n’en a pas attrapé l’esprit, et le problème qu’il a prétendu discuter dans Paris, il n’en a pas seulement soupçonné la nature. Ayant jadis trouvé le repos dans « la science expérimentale », il est profondément étonné que ce qui lui a suffi depuis trente ans ne suffise plus à d’autres, et — la chose est bouffonne ! — il est convaincu que la seule raison qu’on puisse avoir de ne pas penser comme lui, c’est qu’on veut se distinguer de lui. « C’est la mode, dit-il, c’est l’air du temps qui veut que la vérité scientifique soit mal portée, sans grâce, d’une brutalité inacceptable pour les intelligences distinguées et légères. Un garçon de quelque finesse et qui veut plaire, est forcément acquis à l’esprit nouveau. » S’il le croit, et il le croit, on ne peut pas voir moins clair, ni soi-même se crever plus maladroitement les yeux. On ne peut pas surtout passer plus loin de la vraie question, qui est précisément tout entière de savoir quels sont les titres de la « vérité scientifique » à gouverner la vie commune ; et pourquoi cette vie