Ce qu’il est nécessaire de dire et même de répéter avant tout, c’est que la fondation de l’Ecole d’Athènes, pour une notable part, fut un acte politique. A la fin de 1846, « l’entente cordiale » était plus que troublée. Après les mariages espagnols, notre grande voisine était mécontente. Elle nous le faisait sentir en beaucoup d’endroits ; à Athènes, elle le témoignait en s’efforçant de tirer de plus en plus à elle-même les sentimens d’amitié que nous avaient voués les Hellènes. Parmi ceux-ci, il en était qui, cédant à cette attraction puissante, s’étaient vite laissé séduire. Il était urgent d’aviser avant que ce courant n’acquît trop de force. Trois ministres français, MM. Guizot, de Salvandy et Piscatory, celui-ci représentant la France à Athènes, et l’illustre Kolétis, président du conseil hellénique, résolurent de retenir les amis qui nous restaient fidèles, et de ramener, s’il était possible, ceux qui déjà se dérobaient. Ils pensèrent y réussir s’ils donnaient à la jeune nation une marque non douteuse d’attachement, de confiance et d’estime, en créant à Athènes une institution, qui pourrait, dans l’avenir et dans l’ordre des études littéraires, devenir l’analogue de notre Académie de France à Rome.
Ils furent aussi d’avis, et ils avaient raison, qu’il était nécessaire d’agir sans retard. S’ils avaient commencé par nommer une commission scientifique ; s’ils avaient attendu le rapport de cette commission ; s’ils avaient enfin demandé un crédit au Parlement, qui osera dire que l’entreprise eût eu un plein succès ? Ce qui suivit ne le prouve guère. Il était de la plus évidente urgence que les pouvoirs et l’opinion se trouvassent bientôt en présence d’un fait accompli. S’ils le jugeaient absolument condamnable, ils sauraient le dire, sinon il y aurait bill d’indemnité.
Donc, pour procéder vite et librement, on ne donna tout d’abord à la nouvelle école aucune situation budgétaire. Quatre ans après, seulement, pour la première fois, un crédit lui fut affecté dans la loi du budget de 1851. Nos maigres traitemens furent composés en partie de prélèvemens opérés sur ce qui nous revenait dans nos lycées, à titre de professeurs en congé et suppléés, et en partie de fonds fournis par les réserves des ministères des Affaires étrangères et de l’Instruction publique. Ce total n’égalait pas nos émolumens ordinaires de lycée. Et pourtant