De même que la soif des découvertes s’était assouvie parce qu’il ne restait plus rien à découvrir, celle des curiosités naturelles diminua et finit par s’éteindre à son tour. Beaucoup se lassent de s’enthousiasmer, d’admirer après qu’ils croient avoir tout vu ; on se lasse davantage encore de cataloguer. D’ailleurs il faut tirer des richesses acquises un parti autre que celui qui consiste à donner un nom à chaque objet, à placer des échantillons de minéraux dans des vitrines ou dans des caves, des échantillons de végétaux entre les feuilles du papier d’un herbier, à empailler des animaux et à les aligner dans une galerie. Les idées deviennent plus sérieuses, la poésie et le rêve laissent la place à la science qui, elle aussi, est une poésie et un rêve. L’esprit de l’homme suivant sa pente habituelle désire maintenant grouper l’amoncellement des faits en sa possession par une loi qu’il soupçonne, et l’on va sur le terrain vérifier la loi entrevue dans le calme du cabinet. Cook a déjà observé, c’est-à-dire mesuré, le passage de Vénus, Dumont d’Urville cherche le pôle magnétique antarctique, Sabine, John Franklin se rendent pour le même motif dans les régions arctiques. On ne moissonne plus au hasard, on s’avance vers un but déterminé.
Petit à petit, le progrès de la chimie et de la physique aidant, le besoin de la précision se fait sentir partout. On l’applique à l’océanographie. On ne se contente plus de décrire, on reconnaît qu’il est indispensable de mesurer ; on invente des instrumens, on exécute des analyses chimiques, on recueille des chiffres qui sont des faits condensés et la vraie science méthodique, utile, apparaît. En tête de chaque chapitre de l’océanographie, on trouve le nom d’un homme de génie ou de talent et un instrument. Les courans de la mer ont Franklin et le thermomètre, la topographie et la lithologie sous-marines, Buache avec ses cartes par isobathes, Brooke et son déclenchement de plomb de sonde, Delesse avec ses cartes lithologiques ; la chimie de la mer Forchhammer et ses analyses, la thermique Miller-Casella, puis Negretti et Zambra avec leur thermomètre à renversement, l’optique Bérard et son assiette de porcelaine qui devait si peu après devenir le disque de Secchi ; la physique, la mécanique des vagues, Aimé avec l’éprouvette à mercure et l’appareil à boule qu’il essayait en rade d’Alger, les frères Weber avec leur auge. Les documens se résument en graphiques, se perfectionnent, représentent de mieux en mieux et plus exactement la vérité, montrent d’un coup d’œil,